Le nouvel avatar de la vidéo live

Les applis Periscope et Facebook Live connaissent un succès croissant auprès du grand public, notamment des ados. Suicide en direct, agression gratuite… Ce nouveau mode d’expression sans filtre interroge, y compris les sociologues

Arnault Varanne

Le7.info

Elle avait 19 ans, s’appelait Océane et a mis en scène sa propre disparition sur Periscope, le 10 mai dernier. La mort en direct. Macabre publicité pour une appli de vidéo live, dont le nombre d’utilisateurs ne cesse de croître dans l’Hexagone. Ils seraient plus de dix millions. Passe encore la sortie du footballeur parisien Serge Aurier sur son entraîneur et ses coéquipiers, au début du printemps.

Avec le suicide de l’ado dans l’Essonne, on a franchi un palier dans l’horreur et d’autres dérives -lynchage diffusé sur Snapchat, détenus filmant leur quotidien…- ne laissent pas d’inquiéter. « Des dérives, il y en a toujours eu, avec tous les outils, tempère Marion Haza, psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie clinique et intervenante à l’université de Poitiers. Simplement, aujourd’hui, l’image a pris une telle place dans nos sociétés qu’elle permet de dire quelque chose de soi, qu’on exprimait avant par l’écrit. On est de plus en plus dans le registre de l’extimité (notion développée par le psychanalyste Serge Tisseron, Ndlr), avec une exposition aux autres et une attente d’interaction. »

Rien n’aurait donc vraiment changé depuis l’émergence de l’happy slapping, apparu il y a une dizaine d’années. Seuls les canaux de diffusion et l’instantanéité modifient l’approche du phénomène. Alors, faut-il vraiment s’émouvoir ?

« On vit, on aime, on meurt… »

« On vit, on aime et on meurt aujourd’hui avec les réseaux sociaux numériques
», fait remarquer Laurence Allard, maître de conférences en sciences de la communication et chercheuse à l’université de Paris 3. Il y a de plus en plus d’usages télé-spectatoriels sur Internet. On regarde le web comme on regardait la télévision hier. » Et on observe surtout ses contemporains dans l’ordinaire de leur quotidien. « Les ados, notamment, font de leur vie banale des oeuvres d’art. Regardez le nombre de vidéos tournées dans les salles de cours… », appuie la spécialiste.

De nouvelles normes de communication seraient ainsi à l’oeuvre, sans que l’on sache vraiment si elles fluidifient les relations ou éloignent les individus. « Tôt ou tard, la vidéo live se banalisera, comme les selfies avant elle », estime Camille Alloing. L’enseignant-chercheur à l’Icomtec de Poitiers observe d’ailleurs la transformation des réseaux avec un certain amusement. Il faut dire que de rachat -Periscope appartient à Twitteren ajout de fonctionnalités nouvelles, les plateformes rivalisent d’imagination pour capter une audience maximale. « Et à ce jeu-là, Facebook a une longueur d’avance, remarque Camille Alloing. 30% des Américains déclarent ne s’informer que par ce réseau. » Qu’à cela ne tienne, Facebook and co font désormais partie intégrante de nos vies et même au-delà…

À lire aussi ...