Cynthia, transgenre et heureuse

En France, le nombre personnes transgenres est estimé à 60 000. La Semaine des visibilités LGBTI (1), qui démarre ce mardi, à Poitiers, vise justement à lutter pour l’acceptation des différences. Née «garçon», aujourd’hui reconnue comme une femme à part entière, Cynthia a accepté de retracer son parcours.

Florie Doublet

Le7.info

À 61 ans, la pétillante retraitée laisse éclater son bonheur d’être enfin celle dont elle a longtemps rêvé. « J’ai toujours senti que j’étais… différente, explique Cynthia. Mais je n’arrivais pas à mettre des mots sur ce que j’éprouvais. A l’époque ce n’était pas un sujet qu’on évoquait. » Né « garçon », élevé comme tel au milieu de ses soeurs, Jean (2) a construit sa vie, rencontré l’âme soeur et fondé une famille. « Avoir des enfants était quelque chose de primordial. »

Mais rapidement, le vernis d’une existence heureuse s’est écaillé et a laissé apparaître une grande souffrance. Cynthia a sombré dans une profonde dépression. « Je ne sais pas quel a été le déclic, mais à partir des années 90, je ne pouvais plus accepter mon image. Mon reflet dans le miroir me faisait horreur. Ce n’était pas moi. » On nomme ce mal-être la « dysphorie de genre ».

« Un monstre »

Cynthia se voit « comme un monstre ». Elle trouve un peu de réconfort auprès d’un psychiatre châtelleraudais, qui la « déculpabilise ». « Il n’était pourtant pas spécialiste du sujet, mais m’a fait prendre conscience que je n’étais pas anormale. » Petit à petit, elle s’autorise quelques sorties avec des amies, accumulant les accessoires, qui -aux yeux de la société- symbolisent la féminité. Maquillage, bijoux, collants… « C’était la bouffée d’air frais qui me maintenait en vie. Quand je rentrais chez moi, je me travestissais en m’habillant « en homme ». »

Et puis, un après-midi, alors que sa compagne est sortie faire quelques courses, Cynthia se glisse dans la peau de son double. « Mais ma femme est rentrée plus tôt que je ne le pensais… » Stupeur. À la colère, succède le désarroi et l’acceptation. « Nous en avons beaucoup discuté. Elle a accepté que je poursuive mes petites sorties, tout en ayant la peur au ventre que les voisins, et plus encore les enfants, découvrent la vérité. »

Le déclic

Mais vivre dans le mensonge, les cachotteries, les faux-semblants devient insupportable. Un samedi de novembre 2010, au bord du gouffre, elle avale une boîte entière d’anxiolytiques. Sa tentative de suicide marque le début d’un parcours long et éprouvant… « J’ai décidé de suivre un protocole de réassignation sexuelle, explique-telle. Cela se traduit par la prise d’hormones et une opération chirurgicale. » Evidemment, Cynthia ne peut plus cacher son choix. « Ça a été dur. Très dur… Mon fils, qui était encore à la maison et m’avait vu si malheureuse, a compris… Pour ma fille, ça a été plus long. Elle a voulu couper les ponts, par peur du regard des autres. Et puis, lorsqu’elle a déménagé dans un quartier où personne ne nous connaissait, elle a décidé de reprendre contact. Aujourd’hui, j’ai des petits-enfants. Je sais qu’ils ne m’appelleront jamais « mamie ». Ce qui m’importe, c’est qu’ils me tendent les bras. »

Depuis son opération, en septembre 2013, la Châtelleraudaise est enfin « épanouie ». « Un bonheur n’arrivant jamais seul, la loi sur le « Mariage pour tous » m’a permis de rester mariée. Je suis heureuse comme jamais. »

(1) Lesbiennes, Gays, Bisexuel-le-s, Trans, Intersexes.
(2) Le prénom a été modifié.
 

Genre et sexualité
Identité de genre : indépendamment de son sexe biologique, une personne peut être une femme, un homme ou ne se sentir ni l’un ni l’autre (agenre).
Sexe biologique : il est déterminé, notamment, par les organes sexuels externes, mais ne permet pas de définir un genre. Par exemple, Cynthia se sentait déjà femme avant de subir son opération.
Transgenre : personne dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe attribué à la naissance.
Une semaine pour la visibilité LGBTI • Mardi 17 mai, à 20h30, projection du film « Laurence Anyways » de Xavier Dolan, au cinéma Le Dietrich. • Mercredi 18 mai, à 20h30, soirée lecture « Le Jour où j’ai arrêté d’être un super héros », par la Compagnie « Et Si… » suivi d’une lecture d’autres textes sur la transidentité, au bar Saint-Paul de Vence, place Montierneuf, à Poitiers. • Jeudi 19 mai, à 21h, projection du film « En la gama de los grises » de Claudio Marcone, au Dietrich. • Vendredi 20 mai, à 20h30, « La Belle Saison » de Catherine Corsini suivi d’un courtmétrage au TAP-Castille. • Samedi 21 mai, à 15h, Marche des Fiertés Poitou-Charentes dans les rues de Poitiers puis, à partir de 19h et jusqu’à 4h, soirée DJ au Plan B.

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