
Hier
A la ville comme au travail, ils sont unis comme le majeur et l’index. Soumis à la même exigence de résultat, obéissant au doigt et à l’œil à la nécessité d’imposer dans les esprits le caractère indispensable de leur engagement commun. Caroline Lozi et Raphaël Rolland ont fait de la chirurgie des membres supérieurs et de l’urgence de la main une « spécialisation » à part, peu à peu démocratisée dans l’univers multidisciplinaire de l’orthopédie et de la traumatologie. Depuis le 1er octobre, le couple qui, hier encore, opérait dans le privé du côté d’Avignon, préside aux destinées de la première unité dédiée jamais créée à Poitiers.
Jusque-là à la traîne dans la prise en charge en urgence des pathologies de la main, le CHU jouit désormais d’un pôle opérationnel sept jour sur sept, vingt-quatre heures su vingt-quatre, répondant à une vraie nécessité de santé publique. « L’intervention extrême est la réimplantation de la main complète, comme celle réalisée, ici-même, en décembre 2013, par notre consœur Camile Poujardieu (ndlr : « 7 » n°202 et 242), mais cet acte est très rare, reconnaît Raphaël. Celle du doigt est plus courante. Depuis l’ouverture de cette unité, nous en réalisons une tous les quinze jours. C’est beaucoup plus que ce que nous avons jusque-là vécu. » Menuisiers, ouvriers à la chaîne et autres agriculteurs, catégories professionnelles les plus exposées, seraient-ils plus maladroits ici qu’ailleurs ? « Je ne sais pas, sourit Caroline, mais c’est pour nous un facteur de récurrence qui légitime encore un peu plus la création de la structure. »
Gare aux huîtres !
Attachés à plein temps à l’animation de cette unité d’un genre nouveau, les deux jeunes chirurgiens ne rechignent pas à assurer, y compris la nuit et le week-end, les astreintes inhérentes à leur devoir de réactivité. L’opération « lourde », pour passionnante qu’elle soit en termes de technicité et de sutures microscopiques, n’est toutefois que l’un des pans de l’activité du tandem. Lequel accueille aussi énormément de patients (trois cents en deux mois et demi) souffrant de plaies ou victimes de pathologies chroniques, telles que syndrome du canal carpien, arthrose du pouce, doigts à ressaut ou maladie de Dupuytren.
« Concernant les plaies, elles peuvent être multiples et présenter des critères de gravité tout aussi divers, confient de concert Caroline et Raphaël. Lorsqu’on se blesse à un doigt, une main ou un avant-bras, on ne se méfie que trop peu des potentielles lésions sous-jacentes qu’une simple plaie peut cacher. C’est pourquoi nous recommandons toujours ne pas laisser traîner les choses, car des infections peuvent très vite survenir ou des tendons être touchés. Quand on connaît leur complexité, mieux vaut prévenir que guérir. » A l’approche des fêtes, par exemple, les deux médecins se font un devoir de mettre en garde toutes celles et tous ceux qui envisagent d’ouvrir quelques huîtres. « C’est une période hélas propice aux accidents. Une coquille qui se fige sous la peau, un tendon titillé, voire un vaisseau atteint… Tout cela relève de l’urgence. » Une urgence longtemps ignorée du CHU de Poitiers, mais dont il ne peut déjà plus se passer.
Photo DR - CHU Communication
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