Princesse du paranormal

Véronique Geffroy. 51 ans. Propriétaire du château de Fougeret, à Queaux. Une bâtisse que l’on dit hantée. Sous le feu des médias du monde entier depuis cinq ans, elle avance dans un « doute constructif ».

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

« Ja ! Ja ! Ja ! Ja ! » Une voix allemande tonne dans le haut-parleur du téléphone. Distincte, limpide. Trop, peut-être, pour laisser croire qu’elle appartient à un fantôme. « On a enregistré ça le mois dernier, raconte Véronique Geffroy. Les personnes présentes n’ont rien entendu sur le coup. La fréquence n’était pas audible par un humain. » Le propos intrigue, laisse perplexe. La conviction qui se lit dans les yeux de la propriétaire du château de Fougeret est, elle, troublante.

Queaux, le 8 août 2008. Devant la porte en bois de l’imposante demeure du Sud-Vienne, Véronique et son mari François touchent au but. Le voilà, le château qu’ils recherchaient, à deux pas de l’exploitation agricole de Monsieur. « Hyper confiante », la quinqua se jette à l’eau. En mars suivant, la vente est actée. L’aventure peut commencer. Et fait très vite déchanter. Dès les premières semaines, la châtelaine doute et se surprend à regretter son choix. « Plus j’y allais, plus je me sentais mal, se souvient-elle. J’y ressentais une espèce de tristesse permanente et j’avais l’impression d’être épiée. Au début, je n’osais pas en parler pour ne pas accabler mon mari. Nous venions de nous endetter sur vingt-cinq ans. »

SOS Fantômes

Au fil des mois, les expériences « paranormales » s’enchaînent, pour elle comme pour le reste de sa famille. Une amie journaliste lui propose alors de faire venir deux médiums et un scientifique, histoire de confirmer ses doutes. « Quand nous avons allumé l’autoradio pour aller dîner avant leur arrivée, les enceintes hurlaient « Ghostbusters ! » », sourit Véronique aujourd’hui.

Enregistrements de voix et photos à l’appui, les experts sont catégoriques : les Geffroy ne sont pas seuls à Fougeret. « J’étais complètement bouleversée. J’ai mis six mois à atterrir. J’étais prête à vendre, parce que je ne me sentais pas apte à combattre des choses que je ne comprenais pas. » François insiste pour garder le château. Véronique « s’ouvre intellectuellement ». Y croire ? Ne pas y croire ? Sept ans après, la question demeure. « J’avance dans un doute constructif, qui ne me détruit pas. »

Elle raconte ses (més)aventures avec passion. Sans regrets. Véronique Geffroy est une fonceuse. Elle, la diplômé de philosophie qui, après avoir donné naissance à trois enfants, a repris un doctorat d’histoire, pendant plus de huit ans. « Par envie », dit-elle.

À 51 ans, la Parisienne d’origine assume ses choix et nourrit sa curiosité intellectuelle au quotidien. En faisant fi de ses nombreux détracteurs. « Quand nous avons commencé à accueillir médias et curieux à Fougeret, j’ai eu droit à une déferlante d’insultes, notamment sur les réseaux sociaux. Les gens sont lâches et se montrent très violents derrière un clavier et un écran. » Jaloux, peut être. Si son « château des sacrifices » attire, Véronique n’en tire pourtant pas des revenus indécents. « Financièrement, nous ne roulons pas sur l’or, insiste-telle. Récemment, François a dû vendre 30% de son entreprise pour qu’on garde Fougeret. »

Ce qui la fait tenir, ce sont toutes ces anecdotes qui la font rire bruyamment. Ces policiers municipaux, qui ont détalé en pleine nuit en laissant leurs chaussures. Ce journaliste, parti dormir dans sa voiture. Ces voisins, pas toujours aimables, qui répondent aux touristes demandant leur chemin : « Premier fantôme à droite ! » Elle est « la châtelaine qui n’en est pas une ». « Pour les personnes vivant aux alentours, nous sommes forcément riches et désireux d’exercer un pouvoir sur eux. Peut-être parce qu’en tant que propriétaires d’un château, nous sommes héritiers d’un passé détruit par la violence. »

Véronique l’historienne ne compte pas se débarrasser de sa bâtisse, même si ses rêves de princesse sont devenus ceux d’une chef de chantier. « Le patrimoine fait partie de notre histoire, il est la mémoire collective. Nous devons l’assumer. L’histoire m’a appris qu’il ne fallait pas la juger. » Ses enfants désormais grands, elle entend consacrer son temps à Fougeret, pour lui « redonner l’aspect de son âge d’or ». Sans pour autant y vivre. Qui aimerait dormir chez un fantôme ?

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