Discrimination : les apparences ne trompent pas

Sur le marché du travail, mieux vaut paraître catholique que musulman ou juif aux yeux des recruteurs. C’est ce qui ressort d’une étude très détaillée de l’Institut Montaigne. Dans la Vienne, personne ne nie cette réalité, même si Pôle Emploi fait son maximum pour casser les stéréotypes.

Arnault Varanne

Le7.info

L’été dernier, Yaye a cherché à intégrer un BTS en alternance dans un organisme de formation poitevine. La jeune femme avait presque dégoté l’employeur susceptible de la recruter. Ne lui restait plus qu’à valider son inscription auprès de « l’école ». Une formalité ? « Lors de l’entretien avec la responsable de la formation, je l’ai sentie désagréable et pas accueillante du tout. Elle a abrégé notre conversation et m’a indiqué qu’on me rappellerait… » Yaye a bataillé pendant plusieurs semaines en vain et a fini par se diriger vers une autre voie. « J’ai clairement l’impression d’avoir été discriminée. Peut-être parce que je suis Française, mais de la mauvaise couleur ! »

La jeune femme s’est ouverte de sa mésaventure auprès du comité local de SOS Racisme. Son président ne peut que constater les faits. « Une autre affaire portant sur un cas de discrimination dans l’entreprise par une collègue nous a également été signalée », abonde Cheikh Diaby, président de l’association. Nous voulions l’assister sur un plan judiciaire, mais la jeune femme, victime de remarques désobligeantes, a finalement trouvé un terrain d’entente avec l’employeur. » Ces discriminations quotidiennes très insidieuses, qui portent sur la religion, la couleur de peau ou l’origine sociale et géographique, l’Institut Montaigne les met en évidence dans son dernier rapport.

« Davantage sur des non-dits… »

Selon l’organisme, un candidat perçu comme musulman pratiquant a deux fois moins de chance d’être convoqué à un entretien qu’un catholique pratiquant. Les hommes sont d’ailleurs quatre fois plus concernés par ce « fléau ». Idem s’agissant de candidats de confession juive. L’étude porte sur l’envoi de 6231 offres d’emploi de comptables, assistants et secrétaires comptables, en septembre 2013 et septembre 2014. Ses résultats sont donc irréfutables. A Pôle Emploi, on ne nie pas certains comportements déviants parmi les employeurs. « On est davantage sur des non-dits. La majorité des gens savent qu’il s’exposent à des sanctions sur le champ de la discrimination, appuie David Vialat, directeur de Pôle Emploi Vienne. Il n’y a plus de phrases du type : « Je ne veux pas de noirs, d’arabes, de femmes, comme j’ai pu l’entendre par le passé… »

Aujourd’hui, lorsqu’un employeur passe une annonce, soit Pôle Emploi ne sert que de vitrine, soit le service public pré-sélectionne les candidats. Dans le premier cas de figure, « le recruteur peut objectiver sa décision de ne pas recruter telle ou telle personne avec ses arguments ». Dans le second cas, Pôle Emploi s’efforce d’exercer une forme de «discrimination positive ». « Notre slogan, c’est faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin », abonde David Vialat. La méthode de recrutement par simulation a fait ses preuves en Poitou-Charentes, mais elle ne résoud pas tout.

L’accompagnement des demandeurs d’emploi issus de quartiers ciblés par la politique de la ville, avec des entreprises volontaires ? Là encore, l’initiative -parrainage, mise en situation professionnelle…- est bonne. Mais le rapport de l’Institut Montaigne remet en lumière une vieille idée qui divise : le CV anonyme. SOS Racisme y est « favorable ». « Parce qu’au moins les candidats peuvent avoir leur chance à l’oral », estime Cheikh Diaby. « A la seule condition qu’on ne mette pas plus en difficulté des personnes qui sont déjà en situation de fragilité », répond en écho le directeur de Pôle emploi 86. Rappelons à toutes fins utiles que toute forme de discrimination est passible de trois ans de prison et de 45 000€ d’amende.

 

 

 

 

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