Hier
Contrariée par deux recours administratifs, l’installation, à Poitiers, du vingt-sixième Alinéa de France n’est toujours pas d’actualité. Pour les élus de l’agglomération, elle est simplement repoussée. Mais pourquoi donc ce projet dérange-t-il à ce point ? Etat des lieux…
Nord-Sud,« le juste équilibre »
A l’heure d’entériner le projet d’Alinéa, Grand Poitiers n’a jamais caché son ambition de créer un « vrai pôle d’équilibre » entre le Nord et le Sud. « La capitale régionale avait besoin d’une enseigne majeure, comme Alinéa, explique El Mustapha Belgsir. Le projet initial de 12 000 m2 pouvait faire peur, mais il était viable. Avec une surface réduite de moitié, je ne vois pas en quoi sa présence pourrait concurrencer les enseignes du Nord. » Et le vice-président en charge de l’Economie de rappeler que « la pérennité du Nord est tout aussi importante que le développement du Sud ».
« N’oublions pas, insiste-t-il, que la collectivité a injecté 1M€ à la restructuration des Portes du Futur et que le projet des Grands Philambins découle d’une réelle volonté de dynamisation du pôle ameublement. » A ce jour, pourtant, ces opérations ne sont toujours pas concrétisées.
Un soutien en sourdine
Les enseignes d’ameublement situées au Nord de Poitiers ne sont pas bavardes, mais elles n’en pensent pas moins. Pour certaines, la concurrence annoncée pourrait même être « stimulante ». « En revanche, je regrette qu’Alinéa ne s’implante pas dans la zone Nord, déclare Fabrice Blet, directeur de But-Chasseneuil. Les consommateurs auraient pu
comparer les prix et la qualité des produits. » Le gérant ne comprend pas la stratégie de la chaîne : « Tout l’habitat est concentré au Nord de Poitiers. Ils s’isolent et privent le client de choix. » Martine Bétin, directrice de l’enseigne indépendante Monsieur Meuble, tient sensiblement le même discours. « Alinéa est une « locomotive » qui va drainer la clientèle à l’opposé de notre zone, se désole-t-elle. Je comprends tout à fait l’inquiétude de M. Guionnet. Il défend sa part du gâteau, comme nous tous. » A l’évocation de ce même Patrice Guionnet, patron indépendant de Fly et auteur de deux recours administratifs contre Aliéna, un spécialiste de la « chose commerciale » poitevine estime qu’« il souhaite simplement gagner du temps ». « Je doute qu’Alinéa soit enclin à baisser pavillon devant lui », conclut-il.
Et ailleurs, comment ça se passe ?
En août 2012, était inauguré l’un des deux (avec Angers) plus gros paquebots Alinéa de France : 12 000 m2 installés dans le Parc manceau, au nord du Mans. Contrairement à Poitiers, cette ville de 150 000 habitants intra muros (250 000 pour l’agglomération) ne souffre pas de rivalités Nord-Sud. « Dans la même zone qu’Alinéa, on trouve Fly et Conforama, explique un observateur du cru. Seul But est situé au Sud. Le projet a rapidement fait consensus. Au point qu’un autre acteur du marché, Maisons du Monde, a décidé de carrément se coller à Alinéa. Aujourd’hui, c’est toute la zone qui bénéficie du pouvoir d’attractivité du « bébé » du Groupe Auchan. » Aux dernières nouvelles, Ikéa serait à son tour prêt à poser ses valises dans le chef-lieu de la Sarthe. « Leclerc, au Sud, est dit-on tenté par un déplacement vers un nouveau site, à l’Est. Ikéa pourrait prendre sa place », poursuit notre interlocuteur. Plus près de nous, à Tours, le géant suédois Ikéa irradie tous azimuts. Comme à Poitiers, But est situé à 15 minutes en voiture. « Et son chiffre d’affaires n’a pas baissé », précise Fabrice Blet. Et si, à Poitiers aussi, la peur de la concurrence se fondait dans l’émulation constructive…
Si les commerçants du Nord doutent de l’intérêt d’une venue d’Alinéa à Poitiers, ceux du Sud, à commencer par Auchan, n’attendent que cela. Dans leur viseur, la certitude que cette installation va amener à eux de nouveaux clients de la Vienne, voire des départements voisins. Rappelons toutefois que selon des statistiques tout à fait fiables, Ikéa aurait un « pouvoir d’attraction » de 150km à la ronde, Alinéa de seulement 70 ou 80. Les clients de Niort viendront donc peut-être, ceux d’Angoulême risquent de rester au chaud.
Retrouvez un dossier complet sur Alinéa dans la version papier de "7 à Poitiers."
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