Aujourd'hui
Georges Vacher de Lapouge, né à Neuville en 1854, mort à Poitiers en 1936. Ce nom ne vous dit peut-être rien et pourtant, ses théories eugénistes ont inspiré l’idéologie nazie. Un ancien professeur d’université s’est intéressé à son histoire.
Saviez-vous que l’Espace Mendès-France possédait une impressionnante collection de crânes humains ? Rien à voir avec Toumaï, la découverte du Pr Brunet ! La plupart de ces pièces ont à peine deux cents ans. Non, ces crânes ont été rassemblés par Georges Vacher de Lapouge, né à Neuville-de-Poitou, en 1854.
En étudiant attentivement leurs dimensions, ce dernier a élaboré une théorie anthropo-sociologique désormais qualifiée de fantaisiste. Deux types d’humains composeraient la population européenne : les dolichocéphales et les bra-
chycéphales. Il leur associe des caractères physiques et psychologiques. Les premiers ont les cheveux blonds, les yeux bleus. Dominateurs, ils aiment commander et le font bien, car ils seraient doués d’une intelligence supérieure aux seconds, petits, bruns, davantage besogneux. A l’époque, cette idée suscite la curiosité, d’autant que Vacher de Lapouge possède déjà une réputation d’entomologiste érudit après des travaux sur les carabes. Pour lui, magistrat contraint de démissionner après une faute professionnelle, la reconversion est réussie. En poste à la bibliothèque
universitaire de Montpellier, puis de Poitiers, il poursuit logiquement son raisonnement vers un concept de sélection en s’inspirant de Galton, cousin de Darwin. Sa première publication date de 1896.
Il ne supporte pas la charité chrétienne et l’aide sociale d’Etat qui permettent aux brachycéphales de subsister.
Les criminels doivent être stérilisés. « Grâce à l’eugénisme, l’objectif est d’atteindre une internationale blonde. En bref, dolichocéphales de tous les pays, unissez-vous ! », explique Jean-Marie Augustin, ex-professeur d’histoire du Droit à Poitiers, qui vient de publier un ouvrage sur ce personnage controversé aux Presses universitaires de Toulouse.
Il redoute la violence d’Hitler
En Allemagne, les Nazis lui rendent un vibrant hommage pour sa théorie des races. Dès 1933, un journaliste du «Temps» lui consacre un article intitulé « Un maître français de Hitler, Vacher de Lapouge ». Non seulement ses livres sont traduits, mais certains extraits apparaissent dans des anthologies distribuées aux collégiens et aux étudiants, pour leur enseigner le français.
A la retraite en 1922, Lapouge se félicite que ses idées soient appliquées dans un si grand pays. Mais craint la violence du discours hitlérien, empreint de revanche après la défaite de « 14-18 ». Le Poitevin est antimilitariste. Les Juifs ? Ils se conduisent comme une « race rivale des Aryens, selon Lapouge », note Augustin. Mais l’extermination reste une idée de l’esprit malade d’Hitler et de ses partisans. Lapouge meurt en 1936 à Poitiers, sans connaître le destin funèbre de la Seconde Guerre mondiale.
(*) « Georges Vacher de Lapouge (1854-1936) juriste, raciologue et eugéniste », par Jean-Marie Augustin. Presses de l’Université
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