Aujourd'hui
Maldoror comme mal…aise
A travers Le Dossier Maldoror, librement inspiré de « l’affaire Dutroux », Fabrice du Welz ne se contente pas de raconter des faits connus et sordides. Le réalisateur belge nourrit le malaise avec habileté.
De « l’affaire Dutroux », tout a été vu, dit, commenté. Fabrice du Welz avait une vingtaine d’années en 1996 lorsqu’elle a éclaté au grand jour. Près de trente ans plus tard, le réalisateur belge a enfin osé en faire un film et aventurer sa caméra au-delà des images médiatiques.
Dans Le Dossier Maldoror, son dernier long-métrage, il choisit d’en faire le récit à travers le regard d’un jeune gendarme idéaliste. Paul Chartier a grandi dans une maison close, son père est en prison. La misère humaine, il connaît. Et c’est précisément pour cela qu’il a voulu porter l’uniforme. Alors même si « la gendarmerie de Charleroi ce n’est pas Miami Vice », dixit son supérieur hiérarchique, il se donne à fond dans cette nouvelle enquête sur la disparition de deux fillettes. Au risque de se perdre… Au fil des scènes, son sourire de jeune marié s’efface, son visage poupon se durcit. Anthony Bajon est confondant de justesse dans le rôle de ce gendarme confronté, sur fond de guerre des polices et de scandale d’Etat, à une réalité crue et cruelle.
Bien sûr il y a les faits -certaines scènes sont particulièrement violentes-, mais la sobriété quasi chirurgicale de la réalisation amplifie davantage encore le malaise. Il s’installe brutalement, et ce n’est pas le décor gris et triste de la banlieue de Charleroi qui pourrait distraire le spectateur. Pas plus d’ailleurs que la bande-son. Inexistante quand elle n’est pas inquiétante, elle laisse le champ libre aux bruits de moteur, de vaisselle, de télévision… Aux cris et aux silences. Même la caméra tangue et s’affole. L’image passe du net au flou, du flou au net… jusqu’à la nausée. Dans ce thriller social, Fabrice du Welz, que l’on sait peu enclin à produire des bluettes, n’épargne rien au spectateur. Mais il le fait plutôt habilement. On le soupçonnerait même d’étirer le temps -deux heures et demie tout de même !- pour prolonger le déplaisir. Dossier clos, enfin !
Drame, thriller, de Fabrice Du Welz, avec Anthony Bajon, Alba Gaia Bellugi, Sergi Lopez (2h35).
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