René : « Aidant, c’est un temps plein »

Malades, personnes isolées, aidants, accidentés de la vie... Cette saison, Le 7 ouvre ses colonnes aux bénéficiaires des Ateliers Cord’âges, un lieu poitevin à nulle autre pareille. Premier volet avec René Rebeyrat, dont l’épouse est atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Arnault Varanne

Le7.info

Cord’âges
« Avec Danielle, on est venu ici quand le besoin s’est fait sentir, il y a un an environ. Ma femme a la maladie d’Alzheimer qui évolue très rapidement. Au départ, elle faisait des jeux de société, mais aujourd’hui ce n’est plus possible. Elle adore faire la vaisselle, s’occuper, discuter.... Un jour, à Cord’âges, une dame m’a dit : « On ne sait pas ce qu’elles se racontent mais elles se sont parlé toute la journée ! » Cette structure, elle accueille des gens avec des pathologies tellement différentes... Mais on s’y sent bien. Véronique (David, la directrice, ndlr), c’est une sainte, non ? »

La vie d’aidant
« Il faut que j’adapte mon planning en permanence entre les dames de ménage, l’accueil de jour à Marguerite-le-Tillier et Mignaloux-Beauvoir... Je vais aussi participer à un groupe de parole à Cord’âges le vendredi. Aidant, c’est un temps plein. Le paradoxe avec cette maladie, c’est que Danielle ne reconnaît plus personne. Et pourtant, un soir, lorsque je regardais un documentaire sur la libération de Paris, elle m’a dit : « Mais c’est De Gaulle ! » Il y a encore trois ans, on avait une vie de retraités normale, avec beaucoup de randonnées, de voyages, d’engagements associatifs... »

La famille 
« Nous avons deux filles de 50 et 47 ans, la première est enseignante près de Rouen, la seconde bibliothécaire à Nanterre. Elles sont toutes les deux très présentes malgré l’éloignement. On a quatre petits-enfants de 13 à 18 ans. Forcément, avec le temps, on les voit moins. Ils étaient très proches de leur mamie, notamment les deux garçons. Il y a les copains, c’est logique. »

« On l’appelait Mère Teresa »

L’amitié
Avec la maladie, le temps s’est figé. Et puis c’est vrai qu’à notre âge (82 ans pour René, 79 pour Danielle), on en laisse quand même un certain nombre derrière. L’un de mes meilleurs copains s’est effondré en lisant le journal dans son fauteuil. Mon épouse, elle, avait beaucoup d’amies dont elle était proche. De par son passé d’infirmière, elle avait le sens du contact et était altruiste. On l’appelait Mère Teresa, toujours prête à rendre service. Moi, j’ai été topographe toute ma carrière. Je me suis aussi occupé des jeunes au Stade poitevin foot de 1977 à 2000. Forcément, ça crée des liens. »

La vie d’après 
« Je ne peux pas me projeter, j’ai dû faire le deuil de tout ce qu’on faisait avant. On m’a souvent dit que je pouvais mettre Danielle en séjour dans des établissements, mais ce n’est pas dans ma mentalité. Je préfère assumer, c’est de l’abnégation. Ce qui me permet de tenir, c’est que je suis très proche de ma frangine dont la belle-mère et la belle-sœur ont eu Alzheimer. Quelque part, j’étais préparé, même si on manque toujours d’informations au début. Avec Danielle, on est marié depuis cinquante-et-un-ans et on a traversé toute notre vie en ayant la même approche des choses. »

Cord’âges, c’est quoi ?
Installés au cœur du quartier de la Gibauderie, à Poitiers, les Ateliers Cord’âges ont vu le jour en juin 2018, à l’initiative de Véronique David. Centre de loisirs, service d’accompagnement à la vie sociale, accueil de jour, groupe d’entraide mutuelle et espace de vie... La structure remplit toutes ces missions auprès d’un public de personnes en marge de la société, en raison de leur parcours de vie, de la maladie, d’un accident de parcours, d’un handicap, etc.  « Ici, l’idée est de rompre l’isolement lié à la précarité, à l’absence de famille ou à des pathologies », indique la directrice. En l’espace de cinq ans, Cord’âges est passé de 5 à 220 adhérents, souvent « envoyés par des médecins, psychiatres et orthophonistes ». L’association emploie à ce jour 4 salariés, 1 service civique et 8 intervenants ponctuels. Les journées s’articulent autour d’activités culturelles, artistiques, sportives, ainsi que de groupes de parole dédiés aux aidants et sur le thème de l’amour. « On s’efforce de tirer les gens vers le haut avec leurs problématiques, sans jugement. »

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