Ces maires « engagés mais empêchés »

C’est la rentrée aussi pour les élus de la Vienne qui se réunissent vendredi à Jaunay-Marigny. Au menu des discussions : la charge pesant sur leurs épaules, et au premier chef les agressions de toutes natures. Une réalité chiffrée.

Arnault Varanne

Le7.info

C’est historique et, hélas, inquiétant. Selon le ministère de l’Intérieur, les agressions contre les élus, en particulier les maires, ont augmenté de 32% entre 2021 et 2022, soit 2 265 plaintes. Pire, dans l’enquête de l’Observatoire de la démocratie de proximité(*), 69% des élus interrogés déclarent avoir été victimes d’incivilités, une progression de 10 points par rapport à 2020. Derrière ce terme d’incivilités se cachent des injures et insultes physiques ou sur les réseaux sociaux, ainsi que des agressions. En novembre dernier, les maires de Saint-Clair et Verrières ont porté plainte, l’un pour avoir été frappé par un automobiliste, le second pour des insultes et menaces de la part d’un agent municipal.

« Fort heureusement, dans le cas de Verrières, l’agresseur a été condamné, souffle Jérôme Neveux, président de l’association des maires de la Vienne. Reste que le climat ambiant n’est pas à l’apaisement, la société est violente à tous les niveaux. » Et le maire de Jaunay-Marigny de citer les tags dirigés vers son collègue à Saint-Martin-la-Pallu, la douille reçue par courrier à la mairie de Châtellerault, les insultes et menaces vis-à-vis des maires de Montmorillon et de Buxerolles... Les exemples sont légion, même s’il n’y a 
« pas d’explosion des chiffres », tempère Lucie Bébin-Brossard, directrice de l’Association des maires de la Vienne. Jean-Luc Soulard tempère les difficultés relationnelles. S'il n'est « pas insensible » 
au climat actuel, le maire de Rouillé préfère positiver. « La relation avec les administrés est toujours bonne, même si certains revendiquent des choses. Je crois qu'ils ont toujours confiance dans les élus. Nous sommes là pour les défendre. »

Des habitants 
« sans filtre »

« Ce qui est relativement nouveau, et il faut s’en réjouir, c’est le dépôt de plainte systématique, reprend Jérôme Neveux. La loi du 21 mars 2024 a renforcé la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Les peines encourues peuvent aller jusqu’à dix ans de prison. L’AMF se constitue systématiquement partie civile. » Grâce à une convention signée avec le parquet de Poitiers, les plaintes remontent par ailleurs plus vite au procureur de la République. Mais « tout ne se caractérise pas par des faits pénalement répréhensibles », estime Lucie Bébin-Brossard. Dans certains cas, la « défiance permanente » 
et des habitants « sans filtre » 
conduisent à une tension palpable et sournoise. Si bien que depuis 2020, l’AMF 86 a enregistré 25 démissions ou décès 
(37 entre 2014 et 2020). Le chiffre ne tient pas compte des adjoints, conseillers municipaux et autres élus d’opposition qui ont abandonné leur mandat en cours de route.

« La question est de savoir comment susciter l’intérêt des nouveaux candidats... » Ni les projets de loi de l’Assemblée nationale et du Sénat sur le statut de l’élu, ni les incertitudes autour la dotation globale de fonctionnement ne risquent pas de susciter des vocations. La journée de vendredi ne sera pas de trop pour que les maires échangent sur ces nombreux sujets. « Engagés mais empêchés »,
l’Observatoire de la démocratie de proximité vise juste.

(*)Enquête réalisée entre le 
19 septembre et le 12 octobre 2023 auprès de 5 980 répondants par le Cevipof. Son directeur Martial Foucault, par ailleurs professeur des universités à Sciences Po, sera présent vendredi pour la commenter.

À lire aussi ...