Vecteur d’azote, l’ammoniac est aussi polluant à produire que nécessaire dans de nombreux secteurs économiques, dont l’agriculture. Mais depuis peu, des chimistes poitevins ont mis au point un procédé vertueux très prometteur.
L’année dernière, la production d’ammoniac a atteint
180 millions de tonnes (Mt) dans le monde. Selon les estimations des experts, ce chiffre devrait même progresser au minimum de 40% d’ici 2050. La raison ? Son composé principal, l’azote, est utilisé dans de nombreux secteurs, de la construction aux médicaments, en passant par la fabrication d’engrais pour l’agriculture. Or, l’élément chimique qu’on appelle azote (N), seul, n’existe pas. Même l’air qu’on respire est constitué en réalité de diazote (N2). Il doit forcément être associé à une autre molécule, en l’occurrence le dihydrogène, ce qui engendre l’ammoniac. Problème, la synthèse chimique de l’ammoniac contribue à elle seule à 1,3% des émissions mondiales de CO2, soit 620Mt, et requiert déjà pas moins de 1% du total de la consommation énergétique annuelle planétaire. Tout simplement énorme.
Dans le contexte actuel, réduire l’impact environnemental de cette ressource indispensable au vivant est devenu un enjeu gigantesque. Et c’est le défi que s’est lancé une équipe de chercheurs de l’Institut de chimie des milieux et des matériaux de Poitiers (IC2MP).
« L’objectif consiste à casser la molécule de diazote en deux dans des conditions de pression et de température beaucoup plus basses qu’aujourd’hui »,
précise le Pr Fabien Can. Le procédé de fabrication de l’ammoniac, dit de « Haber-Bosch »,
est le même depuis 1909 ! S’il a véritablement révolutionné la chimie industrielle et notre vie quotidienne, ce mode de synthèse a marqué aussi le début d’une pollution sans limite. Avec ses collègues Nicolas Bion, Xavier Courtois, des doctorants et une équipe de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB), Fabien Can a donc mis au point un nouveau catalyseur qui accélère la séparation des deux molécules d’azote et réclame donc moins d’énergie. Pour les plus avertis, il s’agit d’un alliage de lanthane, de scandium et de silicium. Ajoutez à cela un hydrogène produit à partir d’électricité renouvelable et vous obtenez de l’ammoniac vert. Ces résultats ont été publiés dans la revue scientifique ChemCatChem. Reste à savoir si les industriels vont s’en saisir.