Hier
Les agences d’intérim doivent actuellement faire le lien entre des entreprises en quête urgente de salariés et des candidats de plus en plus attachés à leur liberté de travailler ou non, ici ou là, maintenant ou plus tard. La tâche n’est pas simple.
Entre des candidats dont les aspirations ont changé et des entreprises en mal de salariés, les agences d’intérim tentent de trouver un terrain d’entente. « Il est de plus en plus compliqué de mettre en adéquation la réalité des entreprises et les demandes des candidats », note Aurélie Beauchesne, co-dirigeante d’Aquila RH. D’un côté, « les entreprises recherchent de plus en plus à recruter directement en CDI afin de capter les compétences ». De l’autre, « les gens ne veulent plus de CDI, complète Philippe Brasseur, le co-directeur de l’agence chasseneuillaise. Et quand ils ont les compétences, ils sont ultra-sollicités. » C’est le cas de Laurent Papin, plaquiste de profession. Intérimaire depuis plus de cinq ans, il s’est inscrit sur une plateforme. « Depuis, on me « harcèle » tout le temps. » Un CDI ? Non merci. « J’arrive sur mes 58 ans, je ne veux plus me faire embaucher. En intérim, non seulement les salaires sont plus intéressants, mais si la fatigue se fait sentir, on peut faire une pause de huit-dix jours. » Laurent espère donc « aller jusqu’à 62 ans comme ça ». Il a pour lui son expérience, celle qui « manque » aux jeunes diplômés. « Les entreprises veulent des marges directes et elles ont souvent déjà des apprentis, constate Philippe Brasseur. On doit les convaincre que, même dans un métier technique, les jeunes diplômés peuvent apporter leur savoir-être. »
Pouvoir choisir
Entre janvier et octobre 2022, le travail temporaire a affiché une hausse d’activité de 1,8% en Nouvelle-Aquitaine par rapport à l’année précédente. Dans le détail, le secteur est traditionnellement fluctuant. Il est ainsi passé de +1,3% en mai à -2,4% en octobre. Les changements sont surtout structurels. « Il y a une vingtaine d’années, la priorité des candidats était d’avoir un emploi, résume Laëtitia Dumousseau-Royer. Aujourd’hui, ce qui prime, c’est la liberté d’avoir le choix. Si bien que nous demandons aux entreprises de nous préciser si elles envisagent un CDI derrière, pour leur éviter des refus. » La manager des agences R.A.S.-Intérim de Poitiers et Niort récuse donc une certaine image de l’intérim. « Aux yeux de beaucoup, on crée de la précarité, mais on répond à une société qui veut être libre. »
Pour satisfaire aux conditions des uns et des autres, les agences sont amenées à développer le « placement actif », autrement dit à proposer aux entreprises des compétences qu’elles n’ont pas demandées et, parallèlement, à « débaucher » les candidats là où ils sont. La Vienne abrite une quarantaine d’agences, sur plus de 10 000 en France où l’intérim représente 2 à 3% de l’emploi salarié, pour les deux tiers des hommes.
Des intérimaires faute de saisonniers
Traditionnel employeur de saisonniers en période de vacances scolaires, DéfiPlanet’ complète depuis peu ses effectifs avec des intérimaires, faute de candidats à recruter en direct.
Jusqu’à présent, DéfiPlanet’ fonctionnait avec des salariés en CDI auxquels venaient s’ajouter des saisonniers lors des périodes de vacances scolaires. Désormais, le parc de Dienné doit aussi faire appel à des intérimaires pour compléter ses effectifs, faute de candidats parmi les locaux et les étudiants. « Avant, les gens venaient travailler pour l’argent, aujourd’hui ils viennent pour ça mais ils veulent aussi du temps libre. Par exemple, certains ne veulent que juillet, d’autres qu’août, constate Arnaud Berger, directeur administratif et financier. Les envies ont changé. » Le comportement des clients aussi. « Nous devons de plus en plus faire face à des demandes de dernière minute. Le recours à l’intérim nous permet d’être réactifs par rapport à ces besoins immédiats. » Les contrats sont « en général à la semaine ». L’agence fait une présélection. « Elle cible des profils qui, par leur formation ou leurs compétences, correspondent à l’emploi proposé. » Essentiellement « sur des travaux de maintenance, des postes de valets de chambre ou de femmes de ménage ».
D’ordinaire, le parc de Dienné, celui de La Belle et Le Cormenier (groupe Destination Nature) emploient 48 équivalents temps plein, et jusqu’à une vingtaine de travailleurs temporaires. Depuis cette année, un quart sont des intérimaires. A vingt-cinq minutes de Poitiers, Arnaud Berger craint que la hausse du prix des carburants n’accentue le phénomène, même si « nous proposons un logement, précise-t-il. Mais c’est la première année que nous avons hébergé quatre à cinq personnes pendant toute la saison. »
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