Aujourd'hui
On a rarement autant parlé de désobéissance civile en France ! La confrontation entre le préfet et les élus de Poitiers et Grand Poitiers sur les subventions accordées à Alternatiba relance le débat sur l’impact de la loi pour « le respect des principes républicains ».
Tout ça pour ça ? Une trentaine de personnes réunies sous un tivoli du Village des alternatives, dans le parc du Triangle d’or de Poitiers. Des militants d’Extinction Rebellion (XR) et Greenpeace rappelant les principes de la désobéissance civile. Le week-end des 17 et 18 septembre, le Village de Alternatives d’Alternatiba a attiré tous les projecteurs. En cause, une déclaration du préfet s’indignant que la manifestation ait reçu des subventions publiques, 10 000€ de la commune et 5 000€ de l’agglo. « Les « ateliers de désobéissance civile » (…) sont manifestement incompatibles avec le contrat d’engagement républicain présumé souscrit par l’association, considérant qu’ils inciteraient à un refus assumé et public de respecter les lois et règlements », a justifié Jean-Marie Girier dans un courrier adressé à Léonore Moncond’huy et Florence Jardin, maire de Poitiers et présidente de Grand Poitiers.
« Pas que le vote pour s’exprimer »
A l’échelle locale puis nationale -le ministre de l’Intérieur a apporté son soutien au préfet-, la polémique a enflé mais l’atelier a bel et bien eu lieu. Dans le calme. « La désobéissance civile non violente se prépare, insiste Louise, l’une des intervenantes. Nous nous positionnons toujours dans un rapport de force à trois, qui inclut notre « adversaire » et l’opinion publique, note la militante. La réaction du préfet a fait de notre atelier un acte de désobéissance civile qu’il n’était pas à l’origine en forçant l’opinion publique à prendre position et en l’incitant à réfléchir sur ce qui est ou non acceptable dans la société. »
Du côté d’Alternatiba, l’atelier avait toute sa raison d’être au vu de l’urgence climatique. « Dans une démocratie, il n’existe pas que le vote pour s’exprimer, rappelle Christiane Queyreix. Il y a la pétition, le boycott, la désobéissance civile… Ce concept n’est pas très connu, même s’il fait partie de l’ADN de Greenpeace depuis plus de cinquante ans ! »
Vers un recours ?
Dans les textes, la notion de désobéissance civile s’entend comme le fait de « transgresser délibérément, ouvertement, et de façon non violente, une loi en vigueur que les désobéissants jugent injuste, rappelle Me Marie Dosé. Le dessein de cette transgression est de contraindre l’appareil politico-juridique à modifier ou abroger ladite norme. La désobéissance civile se différencie donc d’une infraction pénale dans son élément intentionnel. » L’avocate de Greenpeace France précise également que « la Cour européenne des droits de l’Homme la reconnaît comme faisant partie des libertés d’association et d’expression ».
Les conseils communautaire et municipal examineront la question des subventions respectivement les 30 septembre et 3 octobre. Mais la bataille pourrait désormais glisser sur le terrain juridique. Le préfet se réserve le droit de déposer un recours devant le tribunal administratif de Poitiers afin d’obtenir leur retrait total ou partiel.
Reste à savoir quelle interprétation le juge fera du contrat d’engagement républicain et plus largement de la loi sur « le respect des principes républicains »,
dite contre les séparatismes.
« La rédaction floue de cette loi fait qu’elle est effectivement dangereuse pour la liberté des associations qui peuvent se voir retirer des subventions ou des agréments par l’Etat sur des motifs politiques et arbitraires »,
poursuit Me Dosé. En mars, Greenpeace, XR et une vingtaine d’autres associations ou ONG ont formé un recours en annulation devant le Conseil d’Etat contre son décret d’application. Il est toujours en cours d’instruction.
Claire Brugier - Romain Mudrak
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