mardi 24 décembre
Entre une sécheresse inédite et la promesse d’un hiver sous le signe de la sobriété, le nucléaire français doit faire face à de nouveaux défis. A l’arrêt depuis plusieurs mois, la centrale de Civaux est au cœur de ces préoccupations.
La course contre la montre est lancée. Privé de trente-et-un réacteurs nucléaires sur cinquante-six, EDF s’est engagée auprès de l’Etat à les redémarrer d’ici la fin janvier 2023. En jeu, la capacité de la France à pouvoir s’approvisionner elle-même en électricité cet hiver, alors qu’elle ne pourra plus compter sur l’importation de gaz russe.
Le redémarrage des réacteurs 1 et 2 de Civaux, à l’arrêt depuis le 21 novembre 2021, est programmé les 8 et 14 janvier. Un délai tenable, selon Christophe Rieu. « La mobilisation est complète, assure le directeur du CNPE, qui a succédé à Mickaël Gevrey au début de l’été. Quatre-vingts personnes œuvrent à ce chantier. » L’arrêt de la centrale de la Vienne avait été décidé après la détection d’un problème de corrosion sous contrainte sur le réacteur n°1, comme trois autres réacteurs(*)en France. Le signe d’un parc vétuste ? Christophe Rieu se refuse à entrer dans ce débat. « On a mobilisé de nombreuses entités pour comprendre l’apparition de ces défauts, explique-t-il. Même si les micro-fissures n’avaient pas une taille inquiétante et n’évoluaient pas, nous avons eu raison d’arrêter les réacteurs. Notre méthodologie de contrôle a d’ailleurs été approuvé par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) cet été. »
Pas encore menacée par la sécheresse
Malgré la pression de l’Etat sur le respect du calendrier de redémarrage, « on ne prendra jamais de risque avec la sûreté de nos installations », assure Christophe Rieu, qui compte sur le feu vert de l’ASN. Reste que les délais semblent difficiles à tenir pour l’ensemble du parc concerné, entre les réparations, les inspections et autres vérifications de sûreté. Et l’hypothèse de coupures d’électricité cet hiver ne peut être exclue. « L’enjeu est d’assurer l’équation de l’offre et de la demande. Si tout se passe comme prévu, nous pourrons passer un hiver tel que celui de l’année dernière. Mais cela reste tendu. » Sans une capacité électrique suffisante -75GW pour un hiver classique, dont 50 grâce au nucléaire- la balle sera dans le camp du gestionnaire de réseau qui pourra, parmi plusieurs scénarios, opérer des délestages sur les entreprises. Mais la sobriété énergétique reste le meilleur rempart. « Limiter la demande est un élément majeur qui implique une évolution de nos comportements. »
La production d’électricité à Civaux, une fois relancée, pourrait-elle être menacée par une nouvelle sécheresse prolongée et des niveaux d’eau au plus bas ? « La centrale a été conçue pour fonctionner avec un cours d’eau ayant une variabilité forte », rappelle Christophe Rieu. Ainsi, en cas d’étiage, dix-sept barrages en amont sur les affluents de la Vienne dans le Limousin assurent un soutien de 13m3/s -la centrale prélevant 2m3/s en moyenne-, permettant aussi d’alimenter Châtellerault en eau potable. Civaux a donc de la marge. En début d’année, deux forages à 50 mètres de profondeur ont également été lancés sur le site pour pouvoir prélever entre 40 et 60m3 d’eau, volume qui viserait à refroidir en urgence les réacteurs en cas d’incident majeur. Une mesure post-Fukushima. « On se rend de plus en plus compte de l’importance du nucléaire dans le contexte climatique, estime le directeur du CNPE Civaux. Il sera un atout majeur dans la préservation du climat. »
(*)Chooz 1, Penly 1, Chinon B3.
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