L’allemand en reconquête

Face à la diminution constante des effectifs de germanistes, le rectorat de Poitiers met en avant les dispositifs scolaires permettant l’apprentissage de l’allemand, et ce dès la maternelle.

Claire Brugier

Le7.info

« Du sprichst Deutsch ? » De moins en moins… Depuis les années 1990, les effectifs des germanistes n’ont cessé de s’éroder en France. Entre 1995 et 2022, le nombre d’élèves de 6e choisissant l’allemand est passé de 600 000 à 139 800. Les chiffres révèlent la même désaffection pour la langue de Goethe dans la Vienne : le rectorat y recense cette année 3 551 germanistes (1er et 2nd degrés, 
classes préparatoires et BTS) contre 3 709 l’an dernier. « En France, la langue allemande perd du terrain, alors qu’en Allemagne il y a un frémissement à la hausse de la place du français comme langue étrangère apprise, remarque le recteur Frédéric Périssat. Il est important que la France ait des germanistes car nos deux pays partagent une responsabilité politique et ce sont des partenaires économiques essentiels. » Fort d’expériences professionnelles outre-Rhin, le recteur de l’académie de Poitiers s’est appuyé sur l’anniversaire du traité de l’Elysée, scellant le 22 janvier 1963 l’amitié franco-allemande, pour rappeler les dispositifs existants.

De la maternelle à l’Abibac en passant par les classes bi-langues et l’option LCE (langues et cultures européennes) au collège, ou les Selo (sections européennes ou de langues orientales) au lycée, il est possible d’apprendre l’allemand à tout âge dans la Vienne. « Il est important de bâtir ce continuum d’acculturation à la langue allemande », poursuit Frédéric Périssat. C’est pourquoi « on cherche à ne pas fermer de sections et à en ouvrir de nouvelles », complète Sylvain Micard. Selon l’IA-IPR (inspecteur académique régional) d’allemand, les effectifs de germanistes ont particulièrement pâti de la suppression en 2015 des classes bilangues… rétablies dès 2017.

A tous les âges

Ouvert en 2022, le collège Joséphine-Baker de Vouneuil-sous-Biard propose cet apprentissage simultané, dès la 6e, de l’anglais et de l‘allemand. Poitiers abrite aussi la deuxième école de l’académie labellisée Elysée 2020 : comme Aytré, la maternelle Louis-Pasteur a intégré le réseau franco-allemand des écoles bilingues. Dans le secondaire, le lycée du Bois d’Amour propose l’Abibac, une section européenne en histoire-géographie, comme Nelson-Mandela en sciences physiques… « L’allemand a toujours été, à tort ou à raison, considéré comme une langue plus austère, difficile et élitiste. A une période aussi il représentait une stratégie d’orientation. Mais nous luttons contre ça », insiste le recteur.

Unique enseignante d’allemand à Joséphine-Baker, Béatrice Kittelberger veille à « intégrer les aspects culturels pour donner aux élèves envie de découvrir l’Allemagne, leur faire comprendre que les jeunes Allemands ont des passe-temps similaires aux leurs, que la barrière de la langue peut être outrepassée, et plus encore aujourd’hui avec les moyens technologiques. J’ai fait de l’allemand au collège et au lycée… Et la façon qu’on avait de donner envie d’apprendre était horrible ! », témoigne celle qui s’est récemment convertie à l’enseignement, où les besoins sont prégnants. De 8 369 en 2010, le nombre de professeurs est tombé à 5 659 en 2022. En novembre 2023, l’Association pour le développement de l’enseignement de l’allemand en France déplorait le chiffre de 58% de postes non pourvus au Capes d’allemand.

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