Au soutien du restaurateur menacé de mort

Accusé, à tort, de blackface à la mi-mai, Michaël Taylor a reçu des milliers de messages d’insultes et une cinquantaine de menaces de mort. A Poitiers, le patron du Senza Nome est soutenu par les milieux économiques et SOS Racisme. Suffisant ? Pas certain.

Arnault Varanne

Le7.info

Il vit un enfer depuis la mi-mai et la diffusion sur Twitter d’une vidéo de l’une de ses clientes grimées en noire et imitant l’accent martiniquais à la terrasse de son établissement. Jamais Michaël Taylor n’aurait pu imaginer un tel déferlement de haine. « Même un mois après, c’est toujours compliqué, soupire le patron du Senza Nome. Et qu’on dise, en plus, que c’est une serveuse me rend encore plus amer. Quand la cliente est arrivée, je n’ai pas trop compris, d’autant que j’avais entendu parler de l’histoire de Griezmann(*)... » Avec du recul, le restaurateur s’en veut -« est-ce que j’ai eu un mauvais jugement ? Certainement »-, mais ne comprend pas les menaces de mort déversées sur les réseaux sociaux ou au téléphone qui le clouent au pilori avec un seul mot : raciste. « Plus tous les avis négatifs sur Google et Tripadvisor, de gens qui ne sont jamais venus manger chez nous ! » Sa devanture a aussi été taguée l’autre samedi, la fréquentation de son restaurant a baissé... Bref, c’est une spirale infernale dont il peine à sortir.

« Que son établissement ne ferme pas »

Michaël Taylor a déjà déposé deux plaintes mais il sait qu’elles ont peu de chances d’aboutir et, dans le cas contraire, la survie de son resto italien ouvert en octobre 2020 se joue maintenant. Très affecté au point d’en perdre le sommeil, le Poitevin peut compter sur le soutien de quelques-uns de ses clients. L’une d’elles a sollicité un groupe martiniquais pour jouer au Senza Nome le 24 juin. « Le harcèlement dont 
M. Taylor est victime est indigne et intolérable, affirme de son côté Cheikh Diaby. Des individus qui à longueur d’année ne se mobilisent jamais, dès qu’ils tiennent quelque chose qui relève du racisme, tapent n’importe comment sur n’importe qui ! » Le président local de SOS Racisme invite les Poitevins et les Poitevines à soutenir Senza Nome. « Une collecte ? Des dons ? Il faut qu’on puisse l’aider financièrement, moralement et que son établissement ne ferme 
pas », prolonge l’ancien chroniqueur Regard du 7.

Des ateliers 
de sensibilisation

SOS Racisme, la Chambre de commerce et d’industrie de la Vienne (CCIV) et Poitiers Le Centre ont convenu d’organiser des ateliers de sensibilisation auprès de tous les commerçants demandeurs sur les actes de racisme auxquels les gérants d’établissements peuvent être confrontés. Au-delà, il s’agit de savoir comment réagir dans ce genre de situation où le feu des réseaux sociaux peut réduire à néant des années d’efforts. « C’est un sujet que la CCI va prendre à bras-le-corps, confirme Pierre-Marie Moreau, vice-président de la Chambre. La commission commerce présidée par Benjamin Massé va présenter le principe de ces ateliers en bureau le 15 juin (mercredi, ndlr). » Symboliquement, le Senza Nome devrait accueillir les premiers commerçants volontaires.

Reste une question, et de taille : 
comment « tordre le bras » aux réseaux sociaux qui laissent impunément des anonymes insulter ou diffamer ? Dans le cas d’espèce, Michaël Taylor subit les pires avanies... sans aucune contradiction ou vérification. Au point de « sursauter » au moindre coup de fil et à chaque entrée dans son restaurant.

(*)En 2017, le footballeur avait publié une photo de lui grimé en noir avec une perruque, en hommage aux Harlem Globe-
trotters. Face au tollé, il avait retiré la photo et s’était excusé. 

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