Hier
Réchauffement climatique, biodiversité, filière bois… Antoine Bled évoque les enjeux actuels de la forêt. Le nouveau directeur de l’agence territoriale Poitou-Charentes -36 agents dont 9 dans la Vienne- a pris ses fonctions le 3 mai.
Quelle est votre feuille de route ?
« La mission de l’Office national des forêts est toujours la gestion durable des forêts, en termes de biodiversité, d’exploitation du bois et d’accueil du public. Ce qui nous préoccupe, ce sont les effets du changement climatique et la défense des forêts contre les incendies. »
En quoi le réchauffement climatique modifie-t-il votre approche ?
« On observe un stress hydrique de plus en plus long en hiver et des périodes de fortes chaleurs qui grillent la régénération naturelle. A Châtellerault, par exemple, nous avons réalisé plusieurs opérations de régénération qui n’offrent pas de reprise satisfaisante. Par le passé, la gestion était basée sur de la futaie régulière, c’est-à-dire de grandes surfaces avec une à deux essences et des arbres du même âge. Nous allons privilégier de plus en plus des îlots de régénération par futaies irrégulières, ce qui signifie une représentativité de toutes les classes de diamètres et d’âges au sein d’un même massif, avec un mélange d’essences plus adapté. Cela permet, au moment des coupes, des prélèvements moins importants et moins traumatisants pour l’éco-système. Mais la gestion forestière s’inscrit dans un temps long. On ne verra les bénéfices que dans une trentaine d’années. »
Envisagez-vous l’introduction d’espèces moins locales ?
« Notre priorité est de tester la résilience des essences locales. Néanmoins, notre département Recherche, développement et innovation, à travers le réseau RENEssences, travaille sur des îlots où l’on teste des essences qui poussent plus au sud, des espèces de hêtres et d’érables plus méridionales, des résineux plus adaptés au stress hydrique… »
Doit-on craindre un impact sur la filière bois ?
« En Poitou-Charentes, ce sont 53 000 emplois induits. L’ONF est rémunéré sur le versement compensatoire de l’Etat pour la gestion des forêts publiques et sur le montant des ventes de bois issus des forêts domaniales et communales, des concessions et prestations de services. Le dépérissement lié aux conditions climatiques engendre une dépréciation de certaines essences mais, à ce stade, cela ne pénalise par le budget de l’ONF. »
Vous évoquiez la lutte contre les incendies…
« Nous sommes en surveillance. En croisant les données climatiques avec la nature des peuplements et les sols, on détermine des niveaux de risque. Cela nous permet de prendre des mesures adaptées de manière préventive, comme interdire les travaux mécaniques dans certains massifs afin d’éviter les étincelles. »
Quels liens l’ONF entretient-il avec les autres usagers de la forêt ? « Des liens de bonne pratique de gestion forestière, notamment en termes d’équilibre sylvo-cynégétique. Les frottis ou fouissements font des dégâts ; la fédération de chasse et les adjudicateurs nous aident à les contenir. Pour le reste, il n’y a pas plus d’incivilités que par le passé. Le public est d’autant plus sensible et attaché à la forêt et à son écosystème qu’il a été confiné et aspire à un retour à la nature. »
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