Quartiers libres d'entreprendre

L’Agence pour l’égalité entrepreneuriale a bien grandi depuis sa création dans la Vienne, en 2019. Près de 140 entreprises installées dans les quartiers de Poitiers et Châtellerault ont bénéficié d’un précieux coup de pouce de ces professionnels désormais implantés à Saint-Eloi.

Romain Mudrak

Le7.info

Le déménagement est pratiquement terminé. Sourabad Saïd Mohamed et son équipe de l’Agence pour l’égalité entrepreneuriale (Apée) viennent d’investir de nouveaux locaux au pied de la tour de l’horloge (place Fabre- d’Eglantine), dans le quartier de Saint-Eloi à Poitiers. Un lieu connu surtout pour ses confrontations entre bandes et forces de l’ordre. « On ne va pas jouer le rôle de la police, stoppe immédiatement le délégué général de l’association. Mais nous allons créer un environnement de travail où les jeunes du quartier seront les bienvenus. » C’est même tout l’enjeu de ce que propose l’Apée : aider les habitants des « quartiers prioritaires appelés de la politique de la ville » à créer leur propre micro-entreprise. « On s’est rendu compte que le taux de défection des entreprises était six fois plus fort dans les quartiers parce les gens savent travailler mais ils restent sur un marché intime, autrement dit des amis, des connaissances, reprend Sourabad Saïd Mohamed . De notre côté, on leur donne accès à un marché plus large. »

Des contrats pour les auto-entrepreneurs

Les quartiers de la Vienne sont des viviers de startups ! L’Apée en a accompagné près de 140 depuis sa création en 2019 (Lire Le 7 n°455 - page 5). Reste à les aider à développer leur activité. Elles sont invisibles pour une grande partie des clients et demeurent victimes, malgré tout, d'un soupçon d'incompétence. Et pourtant... L’Apée identifie les domaines d'expertise dans ces entreprises et va les proposer à de « grands acheteurs ». Mieux, l’agence s’est transformée depuis quelques semaines en Entreprise d’insertion par le travail indépendant (EITI), la première de Nouvelle-Aquitaine. C’est l’équipe de Sourabad qui va chercher les contrats publics ou privés (entreprises et particuliers). « Nous sommes des apporteurs d’affaires, on avance même les fournitures et les matières premières pour ne pas mobiliser de la trésorerie et on veille au respect du cahier des charges. » En cette période de crise, c'est le secteur du bâtiment qui fonctionne le mieux en ce moment. Fin mars, plusieurs auto-entrepreneurs ont refait à neuf des appartements d’Ekidom à Saint-Eloi. L’Apée prélève 10% de frais de gestion, tout le reste revient à ceux qui bossent. Depuis la mi-janvier, ce dispositif a généré 14 000€ de revenus pour des entreprises de quartier.

Formations sur mesure

En contrepartie, ces jeunes chefs d’entreprise suivent une formation pour rédiger les devis, les factures, assurer la comptabilité. Il y a même des cours de remise à niveau en français. Certains doivent aussi acquérir les codes de la relation clients. Il existe aussi des formations techniques complémentaires pour ceux qui ne savent pas encore trop quoi faire. « On les suit pendant vingt-quatre mois, ensuite on doit leur lâcher la main. L’objectif est qu’ils deviennent autonomes », précise Chiacap Kitoyi. Médiateur commercial et économique au sein de la structure, c’est lui qui va à la rencontre des jeunes, parfois même au pied des immeubles. « Ça fait trente-cinq ans que j’habite dans ces quartiers, je connais les parents, les frères, je sais où les trouver, à quelle heure… On est là pour aider ceux qui ont envie de travailler. » A la tour de l’horloge comme ailleurs.

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