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Le directeur du Comité régional du tourisme Nouvelle-Aquitaine Michel Durrieu porte un regard lucide mais pas catastrophé sur la situation du secteur à l’orée de l’été 2020. Covid-19 oblige, il appelle à « être positif ».
Quel peut être l’impact de la crise sanitaire sur le tourisme, notamment la clientèle étrangère ?
« Le tourisme en Nouvelle-Aquitaine représente 32 millions de personnes sur une année normale, 28 millions de Français et 4 millions d’étrangers. Compte tenu du contexte international, les clientèles étrangères lointaines ne pourront pas venir. Ce qui signifie que des aéroports comme ceux de La Rochelle, Limoges ou Bergerac vont souffrir. Les Anglais, par exemple, devraient être beaucoup moins nombreux que d’habitude. En tout état de cause, on ne peut pas parler de compensation. Les Français dépensent moins que les touristes étrangers en vacances. On peut s’attendre à un manque à gagner de 15 à 20% en fin d’été. »
Les contraintes sanitaires ne risquent-elles pas d’agir comme un repoussoir, notamment dans les sites très fréquentés ?
« On s’y est tous habitués. Tout le monde, aujourd’hui, a intégré ces contraintes. Les acteurs du tourisme font un travail extraordinaire pour rendre plus facile le port du masque, le lavage des mains... Chacun aspire à passer de bons moments. On n’a de toute façon pas le choix. Et puis, est-ce qu’on se pose aujourd’hui la question des contraintes d’embarquement avant de monter dans un avion ? Non, on les a intégrées. Alors, montrons le bon côté des choses et soyons positifs. »
« On est le seul pays au monde où quand vous traitez quelqu’un de touriste, la connotation est négative ! »
Quels sont les secteurs ou les territoires qui risquent le plus de souffrir ?
« La restauration va forcément être affectée car elle a une perte de capacité d’accueil avec le protocole sanitaire. L’hôtellerie traditionnelle ou de plein air haut de gamme, positionnée sur la clientèle étrangère, aura également des difficultés. Je pense à certains campings qui reçoivent en majorité des Britanniques ou des Néerlandais. Au-delà, le tourisme urbain positionné sur la clientèle affaires est impacté, Bordeaux et Poitiers en premier. »
Le plan de soutien au secteur, d’un montant de 17Md€, sera-t-il suffisant pour amortir la crise ?
« A situation exceptionnelle, la réponse a été exceptionnelle. Cela a permis d’aider le secteur économique et touristique à survivre, même si une grosse partie concerne les mesures de chômage partiel. L’Etat et les Régions travaillent à un plan de soutien à plus long terme. »
L’aéronautique et l’automobile ont constitué des priorités en termes de soutien. Le tourisme est-il considéré au même niveau ?
« Non, notre secteur est clairement sous-estimé dans les esprits. On est le seul pays au monde où quand vous traitez quelqu’un de touristique, la connotation est négative ! Les autres pays considèrent le tourisme comme une richesse. On a toujours tendance à compartimenter les choses. On donne les chiffres de l’hôtellerie, de l’aéronautique, de la restauration... comme si tout cela n’avait pas de lien. Mais 100% des avions sont remplis de touristes ! »
« Si les gens veulent des campings énormes avec de grandes piscines, il en existera toujours. »
La Région, comme beaucoup de Départements, communiquent sur « le local », incitant les Néo-Aquitains à rester près de chez eux...
« 20% des 28 millions de touristes accueillis chaque année sont des habitants de la région. Le secteur est donc déjà structuré avec une clientèle locale, sachant que 50% des Français vont toujours au même endroit et se baignent donc toujours sur la même plage ! On a moins besoin de communication sur les destinations que sur les informations pratiques : qu’est-ce qui est ouvert, où dormir ?... La com’ trop abondante peut générer de la cacophonie. »
On parle beaucoup du « monde d’après ». Qu’est-ce que ce terme recouvre dans un secteur très gourmand en énergie ?
« Je viens de sortir un livre, co-écrit avec l’ancien ministre du Tourisme d’Argentine, Gustavo Santos. Il s’appelle justement L’après, tourisme et humanité. On parle beaucoup d’un tourisme plus proche, plus humain et plus écolo. Depuis 50 ans, le secteur s’est démocratisé avec des prix de plus en plus accessibles. Plus on va faire petit, plus l’offre sera chère et donc moins accessible. Il faut voir économiquement ceux qui arriveront à survivre. Si les gens veulent des campings énormes avec de grandes piscines, il en existera toujours. Le tourisme est le reflet de la société. Ce n’est pas en faisant disparaître une pratique que l’autre va forcément fonctionner. La transformation est indispensable et nous devrons faire en deux à trois ans ce que nous aurions dû faire en dix ans. Les moyens alloués par les pouvoirs publics pour l’opérer seront déterminants. Tout est aussi question de volonté. »
Bio express : un passé au Quai d’Orsay
Michel Durrieu dirige le Comité régional du tourisme de Nouvelle-Aquitaine depuis 2017. Auparavant, ce diplômé en commerce international a dirigé le département Tourisme au sein du ministère des Affaires étrangères entre 2014 et 2017. Dans la même période, il a officié comme représentant de la France au sein de l’Organisation mondiale du Tourisme, qui dépend des Nations unies. Il est encore aujourd’hui conseiller spécial du secrétaire général de l’OMT sur les sujets du tourisme durable et du développement territorial. Michel Durrieu a aussi longtemps dirigé Nouvelles-Frontières Espagne et dirigé la filiale internationale du voyagiste sur le Web. Auteur de Tourisme, la France numéro 1 mondial, il vient de co-signer L’après, tourisme et humanité, au Cherche Midi.
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