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Représentant local de SOS Racisme, Cheikh Diaby exhorte ses contemporains à prendre conscience du racisme dans la société. Même s’il reconnaît que « Poitiers n’est pas la France », encore moins les Etats-Unis.
Cheikh Diaby, vous avez été à l’initiative de deux rassemblements en hommage à George Floyd. Quel message vouliez-vous transmettre ?
« Ces rassemblements sont un écho au meurtre qui a été commis quasiment sous les yeux du monde entier. George Floyd a agonisé pendant 8’46’’ en demandant de l’aide. Personne n’a réagi. Cela traduit un manque d’humanité terrible. »
La situation entre les Etats-Unis et la France est-elle similaire selon vous ?
« Ce ne sont pas les mêmes situations ici et là-bas. Les Etats-Unis ont connu l’esclavage et on sait que la condition des Noirs y est difficile depuis 400 ans. En France, il y a eu la colonisation et il existe un impensé colonial qu’on projette sur les populations qui viennent de ces pays. A Poitiers, on est dans un éco-système bienveillant et tranquille. »
Justement, comment le racisme ou les violences policières s’expriment-ils dans ce département ?
« Des jeunes me font régulièrement remonter des contrôles d’identité au faciès. C’est inacceptable. Il y a un mois, SOS Racisme a lancé une pétition destinée au Premier ministre et intitulée « Pour une police sans racisme ». A chaque fois, on botte en touche en disant qu’il s’agit de cas individuels. Mais récemment, trois médias ont révélé que des policiers se réunissaient sur des groupes WhatsApp et Facebook pour tenir des propos racistes, sexistes et homophobes. C’est intolérable. Les policiers sont dépositaires de la violence légitime pour faire appliquer la loi. Ils ne peuvent pas faire régner le désordre. Après, que le racisme existe dans la police, ce n’est pas une surprise. La police fait partie de la société. On attend juste que les politiques le reconnaissent et prennent des mesures fortes, notamment dans la formation des jeunes policiers. »
« Ce n’est plus la peine de postuler »
Avez-vous été solidaire de dépôts de plainte de particuliers ?
« Il y a quelques années, oui. Le procureur-adjoint de l’époque, Patrick Mairé, nous a toujours soutenus. A chaque fois que des cas de discrimination ou de racisme venaient à l’audience, on nous demandait si nous voulions nous porter partie civile. Je ne le remercierai jamais assez. »
Tenez-vous des statistiques précises de cas de discrimination ou de racisme ?
« Nous les recensons. Mais il faut bien voir que ce qui marque les esprits, ce sont les succès judiciaires. Or, ce n’est pas simple quand les gens ont un emploi et qu’ils doivent résister à la pression d’une procédure. A titre d’exemple, nous avons accompagné une jeune fille discriminée à la SNCF. Elle a arrêté la procédure en cours. On ne peut pas faire plus. Il y a parfois une crainte des représailles. »
A titre personnel, de quelle manière avez-vous été confronté au racisme ?
« Quand j’étais plus jeune et que je cherchais du travail ou un stage, j’ai éprouvé cela dans ma chair. Une grosse boîte française dans l’automobile m’avait dit qu’elle ne me prendrait pas mais, surtout, que ce n’était plus la peine de postuler. L’autre jour, j’entendais une jeune fille de 13-14 ans, au collège Jean-Moulin, dire qu’elle savait qu’elle serait victime de discrimination dans sa vie personnelle et professionnelle. Comment est-ce possible dans le pays des Droits de l’Homme ? »
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