Aujourd'hui
Jean-Philippe Gautier, 62 ans. Fondateur de L’Atelier du moulin, cabinet d’architecture désigné pour veiller au bon déroulement du chantier de l’Arena Futuroscope. Revenu en 1997 sur les terres de son grand-père, à Lussac-les-Châteaux, ce pied-noir s’est lancé avec son épouse dans une démarche environnementale originale.
Huit mois. C’est le temps qu’il a fallu à Jean-Philippe Gautier pour isoler la toiture de la grande salle de jeu de l’hôtel des Orangeries, à Lussac-les-Châteaux. Une pièce d’environ 100m2, sous les toits et dotée d’une charpente impressionnante calfeutrée dans une épaisse couche de chanvre et de plâtre. Ce projet innovant lui tenait à cœur. Le montrer le rend fier. D’abord parce que cet établissement est le fruit d’un gros travail mené avec son épouse Olivia. Le couple a entièrement rénové cette vieille bâtisse du XVIIIe siècle pour en faire un hôtel-restaurant à succès, salué par le premier Ecolabel européen en 2009. Ensuite, ce chantier symbolise à lui seul deux facettes de cet architecte à la fois écolo et pragmatique, toujours prêt à mettre la main à la pâte quand c’est nécessaire.
Doté d’un solide bagage scientifique -il a fait Maths Sup-, ce créatif est passionné d’ingénierie. Bâtiments, voitures, avions... Ce qui l’intéresse par dessus tout, c’est la mécanique des choses. Dans son métier, Jean-Philippe Gautier se définit comme un « artisan ». Loin de l’image de l’architecte illuminé qui impose sa « merveille » aux usagers. « Pour moi, la fonction d’un bâtiment crée sa forme et je dois savoir comment fabriquer ce que je dessine. » Autrement dit, s’entourer aussi des bonnes personnes. Cette conception lui a permis de décrocher le Graal il y a quelques mois. Dès maintenant, son Atelier du moulin a la lourde charge de veiller au bon déroulement de la construction de l’Arena. La future salle de 6 000 places doit voir le jour fin 2021 aux portes du Futuroscope. « C’est le genre de chantier que je ne ferai qu’une fois dans ma vie. »
Il aime les trésors engloutis
Dans les couloirs de son agence, toute une vie d’architecte vous contemple. Les planches de maîtres se comptent par centaines. Autant de projets qui ont permis à son équipe (sept personnes) d’acquérir une notoriété certaine. Le collège Camille-Claudel de Civray, et toutes les bases de maintenance créées le long de la ligne LGV Tours-Bordeaux font partie de ses hauts faits d’armes. Tout comme la future extension du Creps de Boivre, dédiée aux sportifs de haut niveau. A Poitiers, il pilote actuellement la conception de la caserne de pompiers de Saint-Eloi. C’est même devenu sa spécialité. Il en a construit une dizaine dans toute la France. « Ce type de programme réunit l’équivalent d’une petite ville dans un même endroit. On a de l’hébergement, de la restauration, des équipements sportifs, un espace de logistique, des bureaux et tout doit répondre aux normes d’accueil et d’accessibilité des personnes handicapées. » Ces défis techniques l’intéressent. Mais les bâtiments portent aussi en eux le témoignage des modes de vie des sociétés qui les génèrent. Un peu comme ces navires délabrés que ce plongeur professionnel a souvent explorés au côté d’une équipe d’archéologues du CNRS. « Du mobilier à la vaisselle, en passant par la forme du bateau, on obtient une photographie de la vie à un instant T. »
Des bâtiments au naturel
L’architecture du XIXe siècle le passionne. Preuve en sont les plans et les esquisses de son illustre confrère Raoul Brandon, suspendus aux murs de son bureau, à quelques pas des Orangeries. « Dans leurs constructions, nos anciens avaient la logique d’intégrer les vents dominants, les risques de débordement... A la fin du XXe siècle, nous avons cru pouvoir dominer la nature. C’était faux. Aujourd’hui, nous en payons le prix à chaque catastrophe naturelle. » Jean-Philippe et Olivia partagent un amour de la nature aussi fort que le calcaire tiré des carrières de Lussac est dur. C’est même pour vivre en harmonie avec elle que le couple a quitté Paris en 1997. Elle était publicitaire dans une firme américaine, lui avait fondé son agence d’architecture avec quelques camarades de promotion, après avoir fait ses classes chez Zublena, concepteur du Stade de France. Ensemble, ils ont décidé de s’installer dans la maison de son grand-père, à Lussac. Celle où ce pied-noir a grandi dès l’âge de 5 ans, sa famille ayant été chassée de l’Algérie devenue indépendante. L’épisode n’est pas resté gravé dans sa mémoire. « Le départ des Français allait dans le sens de l’Histoire, même si cela aurait pu se passer autrement pour tous ceux qui, comme ma mère et mon grand-père, avaient vécu toute leur vie là-bas ». Vingt ans ont passé depuis leur retour dans le Sud-Vienne. L’hôtel et le restaurant « gastrobio locavore » fonctionnent bien. Les Orangeries restent le « laboratoire d’idées » de Jean-Philippe Gautier. De leur côté, leurs trois garçons ne semblent pas tentés par la vie lussacoise. Deux sont déjà partis et le troisième termine ses études à Poitiers. L’hôtellerie ou l’architecture ? Très peu pour eux ! La relève attendra.
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