Un coiffeur du sud de la France s’est lancé dans la collecte et le recyclage des cheveux. Cette matière première abondante regorge de vertus. En quelques mois, l’initiative a fait un carton. Deux salons de la Vienne ont déjà adhéré.
Que faites-vous des cheveux une fois coupés ? Tous les coiffeurs de France redoutent cette question de la part de leurs clients. « Nous-mêmes étions un peu gênés de dire que nous les jetions à la poubelle, faute de solutions », confie Eric Soulard, co-dirigeant avec sa sœur Florence du salon Différences (12 salariés), à Poitiers. Et puis, en septembre, le chef d’entreprise soucieux de « protéger la planète » a découvert dans un magazine dédié à sa profession la démarche initiée par l’un de ses collègues, Thierry Gras, installé à Saint-Zacharie, dans le Var. L’idée : organiser la collecte, le recyclage et la revente des cheveux de tous les coiffeurs volontaires. « Très vite, nous avons envoyé au moins quatre sacs de 2kg de cheveux et de barbe chaque mois », renchérit le coiffeur du centre-ville.
Thierry Gras s’est engagé dans cette aventure en 2015. Mais le temps de trouver les partenaires et de monter le projet, c’est véritablement en 2019 que le nombre d’adhérents à son association Coiffeurs Justes a explosé. Ils sont plus de 1 700 aujourd’hui dans toute la France à lui envoyer leurs « déchets ». Concrètement, tous les cheveux sont transformés en filtres à hydrocarbure et revendus ensuite à des gestionnaires de ports. « Leur capacité d’absorption est trois fois plus importante que tous les matériaux synthétiques actuels, souligne Thierry Gras. Sous forme de boudins, ces filtres peuvent servir à éponger les fonds de cale de bateau et à capter les huiles solaires sur les côtes. Mais ils ont également un très bon pouvoir isolant et renforcent la solidité du béton. » Autant de voies de recyclage à développer dans le futur. Les salariés handicapés de deux entreprises adaptées (Esat) fabriquent actuellement les produits en Provence. « Le but est de transmettre les schémas de fabrication pour que d’autres établissements les réalisent dans chaque région au plus près des coiffeurs », poursuit l’intéressé. Au-delà de l’adhésion au réseau (25€ par an), les coiffeurs paient les frais d’envoi et 1€ pour le sac, en attendant qu’un fournisseur accepte de cofinancer.
Une nouvelle clientèle
A Naintré, Claudie Coirault-Morgeau offrait jusque-là quelques poignées de cheveux ramassés dans son salon à des agriculteurs des environs. « Il paraît qu’ils repoussent les lapins et les chevreuils », note la gérante du salon Noir&Blanc Coiffure. Dès 2016, la professionnelle a décroché les trois étoiles du label « Développement durable, mon coiffeur s’engage » et propose aujourd’hui une gamme de shampoings et de colorations bio 100% végétale. Autant dire que l’écologie lui tient à cœur. En plus des effets bénéfiques pour l’environnement, cette stratégie a attiré depuis quatre ans « une nouvelle clientèle, plus jeune, qui veut zéro produit chimique ». Inutile de couper les cheveux en quatre pour comprendre l’intérêt de la chose.