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Jacques Gamblin, son histoire d’amitié
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : mardi 14 janvier 2020En 2014, Thomas Coville échoue à battre le record du tour du monde à la voile en solitaire. Par mail, Jacques Gamblin devient son confident. De leurs échanges est né le dernier spectacle du comédien, à découvrir le 12 janvier à La Quintaine, à Chasseneuil.
Jacques, Je parle à un homme qui ne tient pas en place raconte vos échanges avec Thomas Coville pendant sa quatrième tentative de tour du monde à la voile, en 2014. Comment êtes-vous entrés en contact ?
« On s’est rencontrés lors du Trophée SNSM, en 2013. J’étais invité sur son ancien bateau, comme spectateur. On a sympathisé, on s’est rendu compte qu’on était géographiquement voisin. Puis, nous nous sommes revus pour courir, faire de la natation… C’était un temps assez court pour que j’ose lui demander son adresse mail, pour que lui accepte de me la donner et de me faire confiance. Mais des fois, on fait des choses un peu dingues dans la vie… Notre amitié aurait été plus pleine à ce moment-là que je ne me le serais sans doute pas permis. »
Comment vous est venue cette envie de lui écrire, de lui parler ?
« J’étais en tournée et, d’un hôtel à l’autre, je m’étais dit : « Et si je lui écrivais tous les jours ? ». Sachant qu’il avait fait de ce record son Graal, j’avais envie d’être à ses côtés, de prendre une petite place pour lui dire : « Je suis là ». Mais toujours avec cette peur de l’embêter… Les événements ont fait que cela a pris de l’épaisseur. C’est une merveilleuse histoire d’amitié qui se découvre alors, rare, de deux personnes qui se « parlent vrai ». »
Thomas Coville a confié que vous aviez été sa « veille émotionnelle » durant cette épreuve. Comment êtes-vous parvenu à tenir ce rôle auprès de lui ?
« J’ai eu la chance d’être là au bon moment. J’ai compris que les marins sont des taiseux qui se confient rarement, car ils ont bien peu de gens à qui se confier. A qui voulez-vous qu’ils transmettent leurs démons, lorsqu’ils sont en mer ? Sans doute pas à leur famille ni à leur sponsors, encore moins aux médias, pour ne pas exposer leurs fêlures à la concurrence… Seuls les routeurs, le sponsor et les proches de Thomas ont son adresse mail. Et moi, je suis l’intrus dans tout ça. Lorsque sa tentative échoue, quelque chose se déleste autour de lui. Je donne et lui aussi, en retour, s’abandonne à l’écriture. Je suis le réceptacle parce que c’est trop difficile pour lui, à ce moment-là. Même à son retour, comment pourrait-il raconter l’irracontable ? C’est un sport de fous ! Les émotions fortes ne peuvent se raconter et c’est pour ça que cette histoire est forte et unique. Ce spectacle, c’est un voyage en immersion. »
Le voyage, c’est une source d’inspiration inépuisable ?
« Tout est toujours voyage pour moi. Je fais aussi du bateau et le moment où on quitte le bord n’est pas seulement symbolique. On échappe à beaucoup de choses qui habituellement vous reviennent. Cette notion est indispensable, très présente au théâtre. On s’engage, on part ensemble. Chaque moment est un parcours et à la fois, une traversée intérieure. On embrasse le monde. (…) C’est mon septième spectacle, j’écris toujours à partir de choses personnelles. Ici, ce n’est plus vraiment un rôle, je suis pieds nus sur scène. J’avais envie de cette nudité-là, de voir où je pouvais aller dans cette confidence. »
A quel moment vous êtes-vous dit que cette communication pouvait être mise en scène ?
« Cela m’est venu un an plus tard, après avoir relu tous nos mails. C’était rare, beau et fort. On se dit alors que cette chose privée peut atteindre d’autres gens. L’amitié, le rapport à l’autre… C’est universel. Et l’intrigue à l’intérieur de cette histoire m’a donné cette envie-là. J’ai lu le texte à Thomas et lui ai proposé d’en faire une pièce. Il n’a pas mis très longtemps à répondre positivement. C’est bouleversant pour moi car tout est beau et à la fois fragile, sensible là-dedans. Il y avait un certain nombre de dangers successifs, dont la peur d’avoir été trop loin et de voir cette amitié s’effriter, qui ont été traversés. (…) Je continue d’être surpris par ce qui se passe autour de ce spectacle, j’en suis très heureux. »
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