Aujourd'hui
Céline Bois, la force est en elle
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : vendredi 10 janvier 2020Céline Bois. 40 ans. Éleveuse de truies à Usseau, engagée syndicalement. Présidente du club de foot de Oyré-Dangé. Mère de trois enfants. Résolument optimiste, malgré les difficultés du monde agricole. Signe particulier : dit ce qu’elle pense et vice-versa.
Elle a franchement hésité avant de pousser la porte du cinéma. Voir Au nom de la terre, et après ? « J’avais une retenue, c’est vrai… Mais au final, je suis ressortie sans aucune émotion. Ce film, c’est ce qu’on vit tous les jours ! » Comme le héros du film d’Edouard Bergeon, Pierre Jarjeau, Céline Bois a dû faire face à l’incendie de l’un de ses bâtiments, à un départ de feu dans un autre, à un cambriolage, au geste de désespoir de l’un de ses salariés… En presque onze ans, l’éleveuse de truies (300) d’Usseau a accumulé les petits pépins comme les grosses tuiles. Une situation presque inhérente au monde agricole, au moins dans l’élevage. Mais la toute jeune quadragénaire -depuis le 15 décembre- « affronte les difficultés » sans sourciller. Pas le genre de la maison.
Naturellement optimiste
Droite dans ses bottes, elle ne compte pas ses heures pour un revenu avoisinant les 1 000€ par mois. D’aucuns s’en plaindraient, pas elle. D’un « naturel optimiste », cette mère de trois enfants se satisfait déjà de pouvoir « emmener (m)on petit garçon à l’école et de le récupérer le soir ». Son mari donne aussi dans l’agriculture, comme chef de cultures végétales dans une coopérative. Gamine, la fille d’éleveur de… porcs de Notre-Dame d’Or s’imaginait à la tête d’une ferme pédagogique. Elle dirige aujourd’hui, en lien avec ses parents, une société coopérative agricole sur deux sites : Usseau donc (*) et La Grimaudière, le berceau familial. Là-même où « le 1er janvier 2004 », très précisément, la titulaire d’un bac pro élevage équin a eu « le déclic », alors qu’elle bossait depuis plusieurs années dans une usine de fabrication de produits surgelés à La Rochelle ! « Je venais juste donner un coup de main à mon père pour la mise bas des truies. Et puis voilà… »
« On n’est pas des trophées ! »
Six mois de formation en Bretagne l’ont mise sur les rails d’une deuxième carrière et même d’une nouvelle vie à Oyré. Elle y réside avec son mari et ses trois enfants, des jumelles de 14 ans d’une première union et un fiston de 6 ans. Très investie au sein de la FNSEA de la Vienne, l’éleveuse appartient au « club » féminin Pause Café, comme Communication Agriculture, Festivités et Echanges. Lequel vient d’éditer un calendrier 2020 pour « montrer que la nouvelle génération change les choses ». Chez elle, par exemple, les antibiotiques sont bannis. « Quand je vois les commentaires liés à notre métier sur les réseaux sociaux, ça me révolte. On lynche des agriculteurs sans savoir ce qu’ils vivent et font. C’est juste inadmissible. » A la table des confessions, le ton se fait soudain plus grave.
Le foot la ramène à plus de légèreté. Madame la Présidente du club de Oyré-Dangé -depuis juillet 2019- suscite la curiosité en Nouvelle-Aquitaine. C’est la seule à ce poste dans un club évoluant à l’échelon régional. Et alors ? « Nous les femmes, on n’est pas des trophées ! », plaisante-elle. Manière de dire que son « titre » ne change rien au fond. Elle continue de faire les courses, de tenir la buvette le dimanche après-midi… En somme, une bénévole parmi les bénévoles ! Comme dans l’agriculture, Céline Bois mise sur « les petits jeunes » pour pérenniser l’avenir du club. Et son exploitation ? « Je ne tire pas de plans sur la comète par rapport à mes enfants. Ils feront ce qu’ils veulent faire. » Ses deux filles en pincent pour le sport, alors que le petit dernier « a prononcé le mot tracteur avant papa-maman ». Un signe, sans doute. Plus sérieusement, l’éleveuse aux multiples casquettes, « fidèle en amitié », s’efforce d’équilibrer ses vies professionnelle et personnelle. Elle trouve dans « les soirées entre copains » une soupape indispensable à son quotidien parfois mouvementé. Son caractère bien trempé et son franc-parler font le reste. A l’heure où la société de consommation allèche le grand public en permanence, elle narre cette anecdote révélatrice. « Je me souviens qu’au collège, je n’ai réussi à avoir une paire de Doc Martens qu’en fin de 3e. Ce côté financier m’a un peu refroidie, mais j’ai franchi le pas. Quand on a envie, il ne faut pas se mettre de barrières. »
(*) Le site comporte deux salariés, qui s’occupent de la naissance, de l’engraissement et de la multiplication des truies.
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