La vie pour objectif

Sonie Berrari, 47 ans. Victime d’un grave accident il y a quinze ans, cette Poitevine s’est reconstruite grâce à la course à pied. Déterminée, enthousiaste et généreuse, elle progresse dans sa vie sportive et professionnelle en se fixant des objectifs précis. Comme une seconde chance à ne pas rater.

Romain Mudrak

Le7.info

Elle a un rêve. Mieux, un « objectif ». Sonie Berrari a l’intention de participer au Kimbia Kenya, un trail au cœur de la vallée du Rift. Une aventure solidaire qui se décompose en cinq étapes de 10 ou 20km effectuées le matin. Et l’après-midi ? Tous les concurrents mettent la main à la pâte pour rénover une école. Autant de moments de rencontres et d’échanges prévus avec la population locale. « C’est un défi à la fois sportif et humanitaire, tout ce que j’aime ! » Cette coureuse de haut niveau l’a également pro- mis à son père. Avant sa mort en 2017, Sonie, son petit frère et sa mère l’ont emmené à La Mecque pour réaliser le pèlerinage rituel des musulmans pratiquants. « C’était important pour lui, se souvient-elle. A l’aéroport, notre avion et celui pour le Kenya étaient l’un à côté de l’autre. J’ai vu cela comme un signe. Mon père le croyait lui aussi. »

« En conflit avec  mes jambes »
A 47 ans, « Super Sonie » privilégie désormais ce genre d’engagement solidaire. Vous la verrez notamment sur la prochaine course des Pères Noël, le 21 décembre à Saint-Benoit. Après quatorze marathons -terminés en 3h30 en moyenne-, plusieurs trails à Châtellerault, Jardres ou Chauvigny, et une palanquée de podiums sur diverses épreuves plus courtes, cette pensionnaire de l’UltrAmical 86 garde en mémoire un grave accident de VTT qui a changé sa vie, il y a quinze ans. Pourtant, elle le pratiquait déjà à un bon niveau, mais ce jour-là, ce n’était pas son vélo perso... « J’ai eu la chance de garder mes jambes, alors j’ai voulu courir pour tous ceux contraints de rester dans leur chambre d’hôpital, surtout les enfants. »

Elle était animatrice socio-éducative et sportive. Une sortie anodine avec des ados sur le circuit de motocross de Buxerolles et une chute violente dans un virage l’ont plongée dans le coma pendant un mois. Bilan : traumatisme crânien et deux ans d’inactivité. Autant dire que pour cette trentenaire branchée en permanence sur 100 000 volts, le temps a paru long. « Le médecin m’a dit stop du jour au lendemain. J’étais en conflit avec mes jambes. J’ai commencé à courir dans le parc de l’hôpital ! » D’abord des petites distances. Avec l’encadrement d’un club, Les Mille pattes de Buxerolles puis l’EPA 86 où ce petit bout de femme s’entraîne avec les hommes. Le virus du sport ne la lâche plus. En parallèle, Sonie adhère à une salle de fitness qu’elle finit... par diriger.

« Dans ma vie professionnelle comme dans ma vie personnelle, je me fixe des objectifs et je mets tout en œuvre pour les atteindre. Je pars du principe que je suis capable. » Sonie Berrari se souvient comme si c’était hier du jour où elle a reçu une notification officielle la reconnaissant comme travailleuse handicapée. « C’était impossible à admettre. D’ailleurs, j’ai toujours fait en sorte de ne pas la montrer. » Pas envie d’entrer dans une case. Ce genre de discrimination positive ne l’intéresse pas.

Les maraudes à New York
Au-delà des séquelles, Sonie se montre « toujours au taquet ». Responsable pendant quelques années d’un internat occupé par des jeunes qui n’aimaient pas trop l’école, elle suit actuellement une formation pour devenir Conseillère en insertion professionnelle (CIP). Une évolution logique au service des autres. « Il n’y a pas d’âge pour apprendre ! » L’examen est pour mai 2020. Le voyage au Kenya -programmé chaque année en février- attendra un an. Peut- être plus. « Une chose est sûre, je le ferai. » Aussi sûr qu’elle embarquera du monde avec elle dans cette aventure. Car Sonie Berrari possède cette capacité rare d’entraîner les gens dans ses projets grâce à son enthousiasme. Elle cherche d’ailleurs des sponsors !

D’ici à son départ, cette Poitevine participera à d’autres épreuves de choc et ce n’est pas sa blessure au genou qui l’empêchera d’effectuer quatre à cinq sorties par semaine. « Quand je cours, je suis en compétition avec moi-même, pas contre les autres. » Rien ne l’arrête. Sauf peut-être... un cyclone ! En 2012, Sandy a empêché Sonie de s’aligner sur son premier marathon de New York. Cet ouragan a balayé la côte Est, provoquant la mort de plus de 120 personnes et occasionnant 50 milliards de dollars de dégâts et l’annulation de l’épreuve la plus courue du monde. Au lieu de rentrer chez elle ou de profiter simplement du séjour touristique, Sonie a participé à des maraudes. « Beaucoup de maisons étaient détruites. Les gens avaient besoin de nourriture et de couvertures. Le peu que je pouvais faire, je l’ai fait, c’était gratuit ! » L’appel à bonne volonté a tout de suite résonné dans son esprit. Et deux ans plus tard, elle a finalement bouclé le marathon de New York dans une ambiance magique. C’était son objectif.

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