La Nouvelle-Aquitaine en surchauffe

Quels impacts les changements climatiques auront-ils demain sur la Nouvelle-Aquitaine ? A la demande de la Région, 240 chercheurs se sont penchés sur la question. Leur rapport a été publié vendredi. Et le constat est clair, nos paysages et nos ressources économiques, notamment agricoles, sont menacés. Le mot d’ordre : anticiper.

Romain Mudrak

Le7.info

Dans le Haut-Poitou comme ailleurs, les vendanges ont débuté plus tôt en 2017. Au Domaine de la Tour Beaumont, Pierre Morgeau a constaté une « maturité précoce des vignes ». Le mouvement s’est effectué progressivement. « Il y a une trentaine d’années, on commençait à récolter les raisins entre le 20 et le 30 septembre. Maintenant, on est, en moyenne, autour de la première quinzaine. » Le viticulteur a aussi observé des « rendements un peu plus faibles et des fruits davantage concentrés en sucre ». Par petites touches, ces évolutions modifient la production de vin dans le département. Et il n’est pas le seul concerné. Depuis plusieurs années, les propriétaires de vignobles bordelais ainsi que ceux du Cognaçais ont remarqué la même tendance. A ce phénomène, une seule explication : le changement climatique.

Variétés plus résistantes
Vendredi dernier, le Comité scientifique régional ad hoc a remis un rapport extrêmement détaillé sur les conséquences d’une augmentation de 1 à 2°C sur les activités économiques de Nouvelle-Aquitaine (*). Deux cent quarante chercheurs ont planché sur la question pendant plusieurs mois. Et bien sûr, la viticulture a concentré toutes les attentions. « Cette activité est un exemple emblématique. La qualité et les spécificités des produits font la notoriété des territoires. Sans anticipation, toute une filière risque d’être déstabilisée », souligne Hervé Le Treut, membre de l’académie des sciences et coordinateur de la démarche baptisée « Acclimaterra ».

A Beaumont-Saint-Cyr, Pierre Morgeau a planté, l’année dernière, un hectare de Côt, bien connu du côté de Cahors pour sa résistance à l’ensoleillement. « C’est à la fois un essai et une façon de proposer une cuvée différente à mes clients. » Plus globalement, de nombreuses études ont démarré pour trouver les meilleurs moyens d’adapter les méthodes de production aux futures conditions climatiques.

L’avenir est au sorgho
Dans la région la plus agricole d’Europe, tous les exploitants vont devoir s’approprier de nouveaux repères. Le rapport accable le maïs, qui consomme de l’eau en été, au moment où il y en a le moins. A l’inverse, les experts plébiscitent le sorgho, céréale la plus cultivée actuellement... en Afrique. Début mai, Gaëtan Louarn, chargé de recherche à l’Inra de Lusignan, soulignait dans nos colonnes les vertus de la fétuque méditerranéenne, une plante fourragère (7 n°399). Son laboratoire réalise des modélisations grandeurs nature de l’évolution du climat sous nos latitudes. Grâce à un immense abri anti-pluie mobile, les scientifiques sont capables de soumettre les plantes à divers scénarii de stress hydrique. Tout près de là, l’Inra a également créé un dispositif expérimental d’élevage bovin laitier « résilient face aux aléas ». La clé ? Des vaches « plus rustiques » et des « prairies multi-espèces qui ont une croissance plus étalée dans l’année ». « Nous courrons le risque de perdre de beaux paysages et des ressources économiques, reprend Hervé Le Treut, également membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Le changement climatique peut engendrer des conséquences très injustes si elles ne sont pas régulées. Il y aura des gagnants et des perdants. C’est pourquoi il faut anticiper à tous les niveaux. » C’est la vocation de ce rapport.

(*)Le rapport aborde l’impact du réchauffement climatique sur l’agriculture, mais aussi la pêche, les forêts, les montagnes et plus largement la qualité de l’eau, de l’air et des sols, sans oublier les territoires urbains. Il est téléchargeable sur acclimaterra.fr.

DR

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