Pour ou contre les réserves de stockage ?

Les réserves de substitution font depuis longtemps l’objet d’âpres débats entre les agriculteurs irrigants et les associations de défense de l’environnement. Cet été, en pleine période de sécheresse, Nicolas Hulot a alimenté la polémique en préconisant la création de réserves « utiles et durables ». Entre les pour et les contre, qui croire ?

Florie Doublet

Le7.info

DE QUOI PARLE-T-ON ?
L’ex-Poitou-Charentes compte environ 4 500 irrigants, soit un agriculteur sur quatre. Ils cultivent en grande majorité du maïs (60%), une plante qui supporte moins bien que d’autres le « stress hydrique ». Pour irriguer leurs parcelles, ces exploitants prélèvent donc de l’eau, l’été, dans les nappes ou les rivières. Les réserves, qu’ils appellent de leurs voeux, leur permettraient de stocker l’eau en hiver, quand la pluie est censée tomber en abondance. Ces « bassines » se remplissent par forage dans les nappes ou pompage dans les rivières.
À l’heure actuelle, dans l’ex-région, une quarantaine de réserves, pouvant contenir au total 7,8 millions de m3 d’eau, sont opérationnelles. Les surfaces irriguées représentent 150 000 hectares, soit 9% de la surface agricole. Un projet de quarante et un ouvrages supplémentaires doit voir le jour dans la Vienne. Un projet très controversé…

IL EST POUR. Guillaume Chamouleau, président d’Aquanide, association des irrigants de Poitou-Charentes
« Les réserves de substitution permettent de stocker l’eau quand elle est en excédent et de ne pas en prélever lorsqu’il en manque. C’est du bon sens ! Ces réserves nous garantissent de pouvoir irriguer nos cultures, sans impacter les milieux, les nappes et les rivières en période d’étiage. Il s’agit tout simplement d’une « assurance récolte », un moyen concret de pérenniser nos exploitations. Nous sommes évidemment conscients des enjeux liés au changement climatique. Nous pensons justement que le stockage est l’une des solutions pour prévenir la sécheresse estivale. Lorsque les milieux sont en excès d’eau, l’impact du pompage est négligeable. Il représente à peine 1% de la ressource disponible. Maintenant, les périodes de prélèvements, entre mi-octobre et mi-avril, ne veulent plus dire grand-chose. Par exemple, la pluviométrie du mois de juin 2016 aurait permis de couvrir les besoins des irrigants français pour toute l’année. La rareté de l’eau est ponctuelle. Il ne faut pas que le principe de précaution devienne un principe d’inaction. »

ELLE EST CONTRE. Francine Berry, administratrice de Vienne Nature
« Nous prélevons déjà davantage que ce que le milieu peut fournir. Tous les ans, nous constatons des assecs sur les cours d’eau. Assec signifie que tout ce qui y vit meurt. La Fédération de pêche alerte d’ailleurs régulièrement sur ce sujet. Le principe du stockage est de prélever de l’eau quand elle est dite « excédentaire ». Mais les crues sont utiles, même indispensables à la préservation des zones humides. Ces zones abritent une faune importante et sont des « éponges » qui permettent de filtrer l’eau avant qu’elle n’aille dans les nappes. Leur rôle est très important. Dans tous les cas, l’eau prélevée dans les nappes empêche leur rechargement complet si la pluviométrie s’avère insuffisante. Et moins il y a d’eau, plus la concentration en nitrates est élevée. Quid de la qualité de l’eau ? La création de réserves, en l’absence d’un réel projet de territoire prospectif, revient à encourager des pratiques agricoles intensives hors de toute préoccupation environnementale et sanitaire. »

L’AVIS D'EXPERT. Béatrice Simon, hydrogéologue à l’Observatoire de l’eau Poitou-Charentes
« Une nappe souterraine se remplit grâce aux eaux pluviales, généralement dès le début de l’automne et jusqu’au début du printemps. Seulement, certaines années, il ne pleut pas en quantité suffisante dans cette période. 2016 en est le parfait exemple. L’hiver dernier n’a pas du tout été profitable aux nappes car il n’a pas plu en quantité suffisante. Le risque de revivre cette situation de sécheresse est d’une année sur cinq. Dans le jargon, on appelle cela la « quinquennale sèche ». De manière générale, les données relevées par les piézomètres(*) nous permettent de constater des cycles de quatre ou cinq années humides, suivies de quatre ou cinq années plus sèches. Personne ne dispose de boule de cristal mais, dans le futur, on peut penser que les périodes de pluie ne seront plus aussi marquées. Cela signifie que les précipitations seront davantage étalées dans l’année et non plus concentrées en hiver. Or, on ne peut prélever dans les nappes que si le niveau d’eau le permet, donc s’il a plu en quantité suffisante. En clair, le remplissage hivernal des réserves sera aléatoire. Pour rappel, ce sont les préfectures qui fixent les seuils d’alerte et de coupure. »

(*)Un piézomètre permet la mesure du niveau de l’eau souterraine en un point donné de la nappe.

109 réserves dans l’ex-région La création de 109 ouvrages, soit 38,55 millions de m3 d’eau, est à l’étude en Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres et Vienne. Dans notre département, quarante et un projets de stockage d’eau (72M€) sont prévus d’ici 2022. Les bassins concernés sont ceux de la Pallu, l’Auxances, la Boivre, le Clain, la Vonne, la Dive de Couhé, La Clouère et la Bouleure. De son côté, la Société coopérative anonyme de l’eau des Deux-Sèvres porte sur les fonts baptismaux dix-neuf ouvrages, dont deux implantés dans notre département, l’une à Rouillé, l’autre à Saint-Sauvent.

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