Quatre cas de suspicion d’Ebola ont été recensés en Poitou-Charentes, au cours des dernières semaines. Même si la France est à l’abri d’une pandémie, les autorités sanitaires sont parées à faire face à toutes les éventualités. La communauté guinéenne de Poitiers se montre, elle aussi, très vigilante.
Jeudi 19 septembre, très tard dans la soirée. Un homme, de retour d’un voyage en Guinée, est transporté par les pompiers aux urgences du CHU de Poitiers. Il présente des signes cliniques troublants, notamment une forte fièvre et des douleurs. Pendant quelques heures, on suspecte un cas d’Ebola. Les analyses complémentaires démontreront le contraire. Ce cas isolé, confirmé par l’Agence régionale de santé (ARS), ne lasse pas d’inquiéter. Y a-t-il pour autant matière à s’alarmer, alors que la pandémie est aujourd’hui circonscrite au Golfe de Guinée, la Sierra Leone et le Libéria étant les plus touchés ?
« À ce jour, nous avons recensé 324 cas de suspicions en France, dont quatre en Poitou-Charentes, répond le Dr Paul Lechuga, directeur de la santé publique à l’ARS. Nous sommes en relation avec les pays où le foyer d’infection est fort et les communautés en France. » Dans l’Hexagone, des consignes claires ont été édictées par la Haute autorité de santé publique et l’Institut national de veille sanitaire (INVS). Dès qu’une personne, en provenance de l’une des zones contaminées et atteinte d’une fièvre supérieure à 38,5C°(*) se signale à un médecin ou au Samu, elle met en branle un dispositif particulier. « La prise en charge se fait selon un protocole spécial et le cas est discuté entre l’Institut de veille sanitaire, le médecin et l’ARS », abonde le Dr Lechuga.
« Un bon niveau d’hygiène »
Dans une seconde phase, un examen biologique du sang réalisé par le laboratoire du CNR de Lyon dissipe ou non toute ambiguïté. Si le cas est avéré, aucun établissement picto-charentais n’est autorisé à le traiter. Le patient atteint d’Ebola est alors transporté « sous haute sécurité » vers le centre de Bordeaux, référent pour la grande région, où il sera « confiné et soigné ». « Le grand problème d’Ebola, c’est l’insuffisance hépatique, rénale… Car la déshydratation et les diarrhées sévères peuvent emporter le malade. » En Afrique, le taux de mortalité atteint 60% en moyenne. Fort heureusement, aucun ressortissant français, en dehors de l’infirmière française contaminée au Libéria, n’a contracté le virus à ce jour.
« S’ll y avait une pandémie, nous serions dans la m… Mais c’est hautement improbable », rassure un médecin du Samu, lui aussi en alerte maximale. Ses services disposent de dix tenus spéciales, fournies par l’Établissement de préparation aux urgences sanitaires. Selon plusieurs témoins, la prise en charge du patient poitevin, le 19 septembre, aurait révélé quelques failles dans la coordination entre les équipes de secours. Mais rien qui puisse mettre en péril les personnels. « La précaution élémentaire, c’est de redoubler de vigilance », estime Philippe Boutin, président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS). « De toutes les manières, le virus est faible face à un bon niveau d’hygiène », abonde Paul Lechuga. Ce qui n’empêche pas les autorités d’être sur les dents. (*)
Dans un délai de vingt-et-un jours suivant son retour. La contamination s’effectue à partir des premiers symptômes, par contact direct avec les liquides organiques (sang, sperme, cyprine, excrétions, salive).
Les Guinéens de Poitiers "quand même inquiets"
Plusieurs centaines de Guinéens vivent à Poitiers, ils sont originaires de Touba Gaoual, Kobé ou encore Konakri. Aucun d’entre eux, ni même les familles restées sur place, n’a contracté le virus Ebola. « La maladie sévit plutôt dans les campagnes, mais on s’en inquiète quand même auprès de nos proches », admet Bafodé Diaby, secrétaire de la communauté des Guinéens de Poitiers. Cela dit, plusieurs Poitevins ont d’ores et déjà annulé leur participation à la cérémonie traditionnelle de Touba Gawal, prévue en novembre, « à cause d’Ebola ». Une réunion s’est tenue il y a une dizaine de jours, pour déterminer l’aide que l’association pourrait apporter à ses compatriotes, au cas où le virus se propagerait.