Près d’une dizaine de téléphones «grand danger» vont être distribués dans la Vienne. Destiné aux femmes victimes de violences conjugales ou de viols, ce dispositif a été expérimenté dans plusieurs départements.
Elle détaille son calvaire avec un calme étonnant. Béatrice(*), 48 ans, a vécu le pire auprès d’un compagnon alcoolique. Séquestration, insultes, humiliations, harcèlement psychologique, coups… Cette Poitevine a subi en silence, avant de se décider à le quitter, après six ans de relation cauchemardesque.
Le téléphone « grand danger » a été conçu pour les femmes comme Béatrice. Il constitue « l’une des mesures prioritaires du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes », selon le gouvernement.
Son intérêt ? Une véritable efficacité. Le principe est simple. En cas de menace imminente, la victime appuie sur une touche et la police ou la gendarmerie interviennent immédiatement. Expérimenté depuis 2010 dans treize départements, ce dispositif est déployé sur l’ensemble du territoire national. Dans la Vienne, près d’une dizaine de téléphones devraient être livrés avant la fin de l’année, cinq cents dans l’Hexagone. Le procureur de la république, Nicolas Jacquet, travaille déjà avec les acteurs locaux à sa mise en place.
« Ils ont permis d’éviter des « féminicides » , assure Monique Pizzini. La déléguée aux Droits des femmes à la préfecture de Poitou-Charentes rappelle qu’en 2013, quatre cent quatre-vingt six faits de violences conjugales ont été constatés par les forces de l’ordre dans le département. Récemment, deux femmes ont été tuées par leur conjoint. « Il s’agit bien de prévenir ces drames et les récidives. Dès qu’une victime se sent en danger, elle appuie. Il n’y a pas de déplacement inutile. »
Des conditions à remplir
En Seine-Saint-Denis, 30% des victimes dotées d’un téléphone l’ont actionné au moins une fois. Tout le monde ne peut pas prétendre à ce dispositif. Il faut réunir plusieurs conditions. Tout d’abord, les deux (ex)-partenaires sont tenus de vivre séparément. D’autre part, l’agresseur doit être sous le coup d’une interdiction d’entrer en contact avec la victime et présenter un « profil dangereux ».
Béatrice ne remplit pas tous ces critères. Aujourd’hui, elle ne se sent plus en « grand danger ». Mais elle avoue que ce téléphone lui aurait été bien utile… « Un jour, Benoît (*) s’est énervé. Je venais de faire couler du café. Il a essayé de s’emparer du bol de la cafetière pour le jeter sur moi. Heureusement, j’ai pu le saisir avant lui. Mais cela ne l’a pas empêché de me donner deux coups de tête. J’avais le front en sang. »
Béatrice a bien tenté à de nombreuses reprises d’appeler la police. Mais cela n’a « servi à rien ». « Il donnait sa version des faits en m’enfonçant. Je ne pouvais rien faire. » La spirale de la violence recommençait alors inlassablement, son agresseur se croyant intouchable. « Si j’avais eu en ma possession le téléphone « grand danger » , l’histoire aurait peut-être été différente… La police l’aurait pris en flagrant délit, je n’aurais pas eu à me justifier. » La mère de famille mesure l’importance du nouvel outil. « J’ai vu dernièrement un reportage à la télévision. Des femmes témoignaient. Si elles n’avaient pas eu ce téléphone, elles seraient mortes à l’heure où je vous parle. »
(*) Les prénoms ont été modifiés.