La face cachée des petits patrons

En France, le nombre de créations d’entreprises ne faiblit presque pas, en dépit de la crise économique. Derrière les statistiques, des hommes et des femmes « bien de chez nous », qui s’embarquent sur un chemin semé d’embûches. Une forme de liberté qui se paye parfois cash.

Arnault Varanne

Le7.info

Mauve, 29 ans. Patronne de la boutique « Quand les poules… », rue Gaston Hulin, à Poitiers. Nicolas (*), 30 ans. Dirigeant d’une TPE industrielle, à Châtellerault. Deux parcours professionnels aux antipodes, mais une même soif d’indépendance. Un eldorado nommé « entreprise », côté direction s’entend. Elle a beaucoup donné de sa personne dans la communication, à Paris. Et a eu envie de changer de vie, il y a un peu moins de trois ans. « Quand je me suis lancé, j’ai dit à mes proches : « Le pire est à venir, mais je l’ai choisi ». Je viens d’une famille d’entrepreneurs, où on travaille beaucoup. Ce n’est pas quelque chose qui m’effraie. »

Nicolas, lui, a fait ses premières armes comme ouvrier dans une grosse boîte de la Vienne. Aujourd’hui, sa TPE de quatre salariés tourne rond, mais il n’en voit pas la couleur. « Au-delà des sacrifices, c’est surtout la difficulté à se faire payer qui me fait stresser. Les charges et les salaires n’attendent pas… » Alors, Nicolas fait le dos rond, comme les autres. En espérant des jours meilleurs. Aucun SOS de détresse là-dedans, simplement le sentiment que le parcours du (jeune) dirigeant est une course d’obstacles sans fin. Il y a quelques jours, Mauve s’est épanché dans les colonnes du « Plus » du Nouvel Obs, version Interneet.

Un récit millimétré de ses aventures antérieures (burn-out, exil en Suède…) à sa nouvelle épopée créatrice. « Je travaille 90 heures par semaine pour zéro euro », avance la jeune femme. Ce n’est pas une ode au désespoir. Au contraire ! J’ai toujours le sourire et il n’est pas de façade. J’ai gagné en qualité de vie par rapport à ma vie d’avant. Simplement, c’est bien que les gens se rendent compte que tous les patrons ne s’en mettent pas plein les poches… »

« Toujours la même énergie »

Comme Mauve et Nicolas, des centaines de milliers de (jeunes) Français sautent le pas de la création d’entreprise. Avec l’espoir, évidemment, de s’inscrire dans la durée. Un espoir souvent douché. « Une entreprise sur trois disparaît au bout de trois ans et nous sommes à 50% de perte après cinq ans », déplore Jean-Marc Menu, conseiller création à la CCI de la Vienne. D’après les dernières statistiques à sa disposition, le nombre de nouvelles entreprises aurait d’ailleurs reculé, entre janvier et mai 2014, par rapport à la même période de 2013 : -3,3% en Poitou-Charentes, -5,2% dans la Vienne. Cette crise de vocations, que le statut d’auto-entrepreneur ne compense plus- noircit un peu plus le tableau économique. « Elle confirme surtout le fait qu’il est très difficile, pour un dirigeant, de vivre dans de petites entreprises », analyse l’expert.
Secrétaire général de la Chambre de métiers de la Vienne, Ghislain Kleijwegt porte un regard plus nuancé sur la situation. « Certaines entreprises artisanales s’en tirent merveilleusement bien, alors que d’autres sont au bord du dépôt de bilan. Il ne faut pas céder au fatalisme et profiter de cette période pour se former et innover. La crise est aussi synonyme d’opportunités. » Mauve et Nicolas partagent ce point de vue optimiste. « Même si c’est difficile, cela vaut le coup de se donner à fond », convient le dirigeant châtelleraudais. « Je suis toujours là, avec la même envie, la même énergie », conclut la patronne de « Quand les poules… ». Deux exemples à suivre !

(*) Le prénom a été changé.

 

Le BTP lance point-de-rupture.com

La FFB de la Vienne ne recule devant rien pour sensibiliser l’opinion publique à la détresse des petits patrons du bâtiment à leur santé. L’organisme professionnel lance ainsi un site Internet baptisé www.point-de-rupture.com, ainsi que deux numéros de téléphone d’alerte : 0612826243 (contact direct) et 05 49 61 20 68 (FFB 86). « Les chefs d’entreprise sont de plus en plus confrontés au stress, aux baisses de moral, à l’épuisement (…) et, parfois, au suicide », s’inquiète la Fédération. D’où cette campagne unique en Poitou-Charentes.

 


 

 

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