Dans la Vienne, comme partout ailleurs, les généralistes rencontrent des difficultés pour se faire remplacer l’été. Et quand ils trouvent la perle rare, les médecins doivent parfois satisfaire à des conditions étonnantes.
A Jazeneuil, le Dr D.(*) s’est gracieusement octroyé une semaine de vacances cet été. C’était en juillet. Pour s’offrir ce « privilège », il a commencé à chercher un remplaçant un peu avant… Noël ! « Grâce au bouche-à oreille, j’en ai trouvé un bon, mais il avait des contrats avec d’autres confrères. J’ai pris la semaine qui restait », se souvient l’intéressé.
Cette expérience n’est pas unique. Si lui est installé dans une commune rurale des environs de Lusignan, les médecins de ville éprouvent aussi de grandes difficultés à se faire remplacer l’été. A Bel Air, le Dr C. a été confronté à une situation originale en 2012. Il devait s’absenter pendant deux jours afin de suivre une formation à Tours. Un jeune homme, tout juste diplômé, s’est présenté à son cabinet. Ce dernier semblait correspondre au profil recherché.
Mais au moment de signer le contrat, le néophyte a posé le regard sur le cahier de consultations, laissé grand ouvert sur le bureau. « La charge de travail lui est apparue trop dure à surmonter. Il a négocié pour commencer à 8h45 au lieu de 8h. Mais quand je lui ai dit que son tennis de 18h était compromis, il a préféré partir ! »
Avantage aux remplaçants
Le président de l’Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux ne jette pas la pierre aux jeunes praticiens. Philippe Boutin estime que « le problème ne vient pas du nombre de remplaçants (14 000 en France), mais simplement du fait que tous les médecins aimeraient partir pendant les vacances scolaires. »
Face à cette situation, il y a ceux qui respectent les règles de bonne conduite et les autres… « Une partie d’entre eux aimeraient se limiter à trente-cinq heures de travail », estime le Dr C., qui en discute fréquemment avec ses collègues au sein du Conseil de l’Ordre. Les abus existent aussi en matière de rémunération. « On m’a déjà réclamé 100% du chiffre d’affaires généré, raconte l’un d’eux, alors que la convenance fixe plutôt le partage à 70% pour le remplaçant et 30% pour le remplacé. » Un candidat a même demandé à un autre praticien si son cabinet disposait d’une… piscine.
Cette pénurie conduit certains remplaçants à conserver ce statut pendant plusieurs années (lire ci-dessous). A l’inverse, elle amène aussi des médecins seniors à sortir de leur retraite pour rendre service à leurs cadets démunis. A 70 ans, le Dr F. officie toujours, quelques semaines par an, dans le même cabinet de Poitiers. « Ce métier est une passion qu’on a du mal à quitter. L’équipe est remarquable et je garde un contact avec les patients. » Grâce à lui, le cabinet reste ouvert. Mais combien des 450 généralistes de la Vienne sont contraints de fermer leurs portes pour s’offrir une pause ? Le problème n’est pas nouveau, mais avec la progression de la désertification médicale, chaque consultation stoppée ébranle tout un territoire.
(*) Le Conseil de l’Ordre interdit toute communication aux médecins.
Profession remplaçant
Depuis trois ans, le Dr J. s’est constitué un réseau de quatre médecins à Poitiers et ses environs. Il les remplace une à plusieurs fois par an selon un planning connu presqu’un an à l’avance. A côté de cela, il accepte quelques contrats ponctuels et une poignée de gardes de nuit. Au total, le Dr J. travaille « une trentaine de semaines par an ». Un choix assumé : « J’accumule de l’expérience professionnelle, tout en conservant ma liberté de temps, de travail et de lieu. J’ai pu changer de ville plusieurs fois et même partir en Guadeloupe. » Toutefois, la scolarisation de son enfant devrait bientôt changer la donne. Le Dr J. prévoit de s’installer à son compte d’ici deux ans, au risque de galérer, lui aussi, pour trouver un remplaçant.