De Munich à Rio, de la féerie au chaos

L’incroyable défaite des Brésiliens (1-7) en demi-finale de la Coupe du monde, hier soir, n’a bien évidemment pas été perçue de la même façon de part et d’autre de l’Atlantique. Anne Delaroche, étudiante installée à Munich, et Benoît Semnont, « expatrié » poitevin à Porto Alegre, témoignent…

Nicolas Boursier

Le7.info

Trois buts encaissés en sept minutes, sept coups de poignard au total… L’aventure des Brésiliens en Coupe du monde s’est refermée, hier, sur l’image d’un incommensurable désastre. A Porto Alegre, le Poitevin Benoît Semnont a vécu le « drame » de l’intérieur. « Les Européens ne se rendent pas compte de l’importance du foot ici. C’est plus qu’un sport, c’est le réceptacle des espoirs de tout un peuple, c’est ce qui unit les Brésiliens. C’est leur religion. Et Dieu est mort…»

Entre pleurs et colère (à l’égard de Fred, l’avant-centre, et de Scolari, le sélectionneur, notamment), un pays tout entier a déversé, des heures durant, tristesse et rancœur. « Le plus grand journal du pays s’est même fendu d’un avis nécrologique en Une, avec le nom de tous les joueurs, comme s’ils étaient décédés », raconte Benoît. « Tous les canards, poursuit-il, parlent de la plus grande humiliation de tous les temps. » Au moins sont-ils raccords avec le Brésilien moyen.

Supporter des Auriverde, le Poitevin a assisté à la défaite de David Luiz et sa bande au Fifa Fan Fest de Porte Alegre. « On devait être 20 000, poursuit-il. Même si les gens n’étaient pas franchement confiants, avec la suspension de Thiago Silva et le forfait de Neymar, l’attente était énorme. Et là, tout a basculé en quelques secondes… » De manière si terrible que la moitié des téléspectateurs ont abandonné l‘écran à la pause. « Moi-même je suis parti, conclut Benoît, car l’atmosphère devenait trop menaçante. »

Celle de Munich, on s’en doute, aura été autrement plus festive. Etudiante Erasmus à la Ludwig Maximilians Universität, Anne Delaroche, 23 ans, n’a pas assisté au match en direct. « J’étais trop occupée à réviser mes examens, sourit-elle au bout du fil. Mais avec le vacarme autour, je m’y croyais vraiment. »

De la bière jusqu’à plus soif
Deux jours de pluie torrentielle ont eu raison de la volonté des autorités bavaroises de multiplier les installations d’écrans géants. Mais les biergartens (littéralement  « jardins de bières ») ont tous été pris d’assaut. « Si vous arriviez au dernier moment, impossible de voir la télé, renchérit Anne. Les Allemands ne sont pas du genre à mégoter sur une pinte de bière. A voir l’euphorie de la nuit, je pense que certains en ont bu une à chaque but marqué. »

A en juger, encore, par le ballet incessant des pompiers jusqu’au petit matin, la plupart a eu du mal à supporter la cadence. Un peu comme les Brésiliens ! « Pour tout un pays, la Mannschaft est désormais favorite pour le titre », convient Anne, particulièrement surprise par les concerts de klaxons et les drapeaux déployés sur voitures et rétroviseurs. Pour les journaux aussi, l’Allemagne est promise à sa quatrième couronne planétaire. « Dans l'ivresse vers Rio », titrait le quotidien Süddeutsche Zeitung, « La 7e merveille du football » encensait le très sérieux Frankfuter Allgemeine Zeitung. Pour Bild, le recordman des tirages nationaux, un « 7-1, il n’y a pas de mots » aura suffi. Anne abonde : « Moi, j’étais quand même un peu triste pour le Brésil. »

Ce vendredi, juste avant la finale, la jeune fille fera son retour en terres poitevines. Laissant Munich, sa bière et son cher Franck Ribéry, « véritable idole locale », derrière elle. Les flonflons de la fête risquent de résonner quelques jours en elle. Mais sûrement moins longtemps que le souvenir d’une humiliation historique pour un peuple aujourd’hui dévasté, là-bas, par-delà l’Océan.
 

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