Bâtiment, le point de rupture

Malgré quelques promesses de reconquête, l’activité du bâtiment dans la Vienne est toujours en déliquescence. Président de la fédération départementale, Jean-Claude Dupraz tire la sonnette d’alarme, s’en prenant vertement au gouvernement et aux collectivités locales. Morceaux choisis…

Nicolas Boursier

Le7.info

Une activité en berne
« Entre les premiers trimestres de 2013 et de 2014, le nombre de logements autorisés a chuté de 42% (-44% en Poitou-Charentes, -25% en moyenne nationale), celui des mises en chantier de 27%. En 2008, on construisait 3500 logements par an, on en a bâti 1890 en 2013. En surface, la tendance est la même : 480 000m2 contre 208 000 l’an passé. Les effectifs ont subi une érosion proportionnelle, avec la perte de 350 salariés sur la même période et la disparition de soixante entreprises d’un salarié et plus. »
 
Une concurrence toujours plus déloyale
« Avec 1,5 million de personnes employées par le bâtiment, le secteur « accapare » 9,3% de la population active. Il semble que le gouvernement ne mesure pas réellement notre poids économique et que les collectivités locales soient sourdes à la plus élémentaire des évidences : la concurrence déloyale est de plus en plus manifeste. Les exemples de grands chantiers, comme le pôle neuro cardio-vasculaire du CHU de Poitiers, recourant à des travailleurs étrangers détachés, prolifèrent. On estime à 600 000 les effectifs d’étrangers détachés en France. De source officielle, 370 000 d’entre eux seraient « déclarés ». Mais cela signifie quoi ? Ces gars-là touchent un Smic pour, non pas 35 heures, mais 70 heures de boulot, mangent quand ils peuvent, dorment sur place, et ne bénéficient pas de protection sociale. Quant aux entreprises françaises qui les emploient, elles ne paient pas de charges sur leurs salaires. Le coût horaire du travail, tous secteurs confondus, est de 34,20€ en France, il n’est que de 4,20€ en Roumanie, 3,50€ en Bulgarie ou 7,10€ en Pologne. Au jeu du « moins disant », ceux-là ont toutes les chances de décrocher les marchés. Et les maîtres d’ouvrage, grosses institutions, hôpitaux ou collectivités, ferment les yeux. C’est lamentable. »
 
Des contrôles à renforcer
« En tant que président de la FFB et de l’Urssaf, je me réserve le droit de me porter partie civile contre les maîtres d’ouvrage indélicats, à chaque fois que des faits seront déclarés ou des contrôles effectués de travail détaché ne respectant pas la législation en vigueur. Il appartient au-delà au procureur de la république d’engager des poursuites. Mais je peux vous assurer que, personnellement, je prendrai mes responsabilités. »
 
La pénibilité, et alors ?
« Le gouvernement nous a pondu une belle idée avec les fiches individuelles de pénibilité au travail. Je reconnais le fait que dans notre secteur, certains corps de métiers soient plus en souffrance que d’autres. Je m’insurge en revanche contre l’obligation faite aux employeurs d’être derrière chacun de leurs gars, pour juger si, oui ou non, ils ont un travail pénible, si oui ou non, ils subissent des nuisances sonores, la chaleur ou la poussière. En termes d’application sur le terrain et de gestion humaine et temporelle, ce suivi individualisé est impossible à tenir. S’il faut doper les effectifs de la médecine du travail, faisons-le. Mais laissons les petits artisans en paix. »
 
La formation galvaudée
« Le bâtiment était l’un des secteurs les mieux organisés et les plus efficients dans le domaine de la formation initiale et continue. La réforme envisagée par l’Etat va à contresens de toutes les avancées entrevues jusque-là. La contribution à l’effort de formation était jusqu’à alors de 0,90% de la masse salariale, elle passe à 0,20%. C’est se moquer de tous ceux qui ont envie de valoriser le travail en interne, de faire gagner en expérience des jeunes embauchés ou des apprentis. Or, le bâtiment, c’est 27% de la totalité des apprentis français. A ce train-là, c’est toute la filière de formation et les CFA, notamment, que l’on va faire mourir à petits feux. »
 
 
 

Des locaux pour exemple
Dix-huit mois auront été nécessaires pour la réhabilitation des 3900m2 de locaux de la Fédération du bâtiment, rue Salvador-Allende. Pour « montrer l’exemple d’un maître d’ouvrage soucieux du travail bien fait », le FFB a confié les travaux à des entreprises « irréprochables » en termes de formation, insertion, qualification, compétence… « Toutes sont locales, affirme Jean-Claude Dupraz. Quant au prix, ça a été le dernier critère de sélection. »
Au final, les nouveaux locaux, respectant les normes d’accessibilité et beaucoup moins dispendieux en énergie, auront nécessité un investissement de 3,340M€, financé, à hauteur de 1m€, par la SCI dont la Fédération est majoritaire, auquel s’ajoutent 2M€ d’emprunt, une subvention de 219 000€ de la Région et une autre, de 100 000€, de la Fédération nationale du bâtiment.
 

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