Notre série sur les quartiers de Poitiers boucle la boucle par le centre-ville. Un quartier « pas comme les autres », dominé par la présence massive d’étudiants et de catégories socioprofessionnelles supérieures.
Décrire le centre-ville n’est pas une tâche aisée. La multitude de sous-quartiers (gare, Trois-Quartiers, Hôtel de Ville, Feuillants, Cathédrale, Carnot, Sainte- Croix, Saint-Hilaire-Blossac) pose effectivement « problème » : il n’y a pas d’unité. « Les gens ne se mélangent pas, avance Marie-Christine Texier (*), présidente de l’association Le Local. Chacun reste dans son coin sans se parler. Organiser une fête de quartier est un véritable casse-tête. »
A cet égard, le centre-ville ressemble à Poitiers-Ouest, un quartier également très hétérogène. « Moi, par exemple, je n’ai pas le sentiment d’habiter sur le plateau », poursuit Marie-Christine, qui réside boulevard Anatole-France. « Je crois que la véritable spécificité de notre quartier, c’est qu’il appartient à tous les Poitevins et pas seulement aux habitants, avance François Broquereau, président du conseil de quartier. Quoi qu’on en dise, tout le monde s’est déjà rendu dans le coeur de la cité. » François partage au moins un point commun avec Marie-Christine. Tous deux en ont assez d’ « entendre les gens se plaindre ». « Coeur d’agglo a fondamentalement amélioré l’image du cente. C’est beaucoup plus moderne. Mais les Poitevins ont un esprit assez conservateur, ils n’aiment pas le changement », soupire François. « Je suis très bien ici, renchérit la présidente du Local. Nous avons tout à proximité : commerces, structures associatives, sorties… On peut tout faire à pied et il ne manque rien. »
Les étudiants en masse
La richesse patrimoniale, l’abondance des espaces de verdure et de promenades (Blossac, Puygarreau, square de la République, Jardin des plantes…) et la profusion d’activités culturelles (Tap, musées, cinémas…) constituent des atouts essentiels. D’ailleurs, les étudiants ne s’y trompent pas. Nombreux sont ceux qui habitent le centre pour profiter de son dynamisme. Près de 50% de la population a moins de 24 ans. « C’est toujours pareil, certains râlent parce qu’ils font la fête le jeudi soir. Mais, sans ses jeunes, Poitiers deviendrait Saintes ! », s’agace le président du conseil de quartier.
En revanche, le centre connaît une « sous-représentation des familles avec enfants », selon l’Insee. Cette donnée est à rapprocher de la typologie des logements. Le parc se compose majoritairement d’appartements de petite taille (T1 ou T2). Il y a une dizaine d’années, les grandes maisons du centre ont été découpées pour faire face à la demande de studios. Résultat, les belles surfaces sont occupées par des personnes âgées et/ ou aisées et les familles de CSP intermédiaires ont déserté le centre pour acheter ou louer des maisons avec jardin en périphérie. « Le quartier abrite une population plutôt jeune, ainsi que des cadres et professions intellectuelles supérieures. Il concentre des hauts revenus, avec une présence faible de ménages aux revenus modestes », résume l’institut.
Un fort turn-over
Par conséquent, le turn-over est très important. « Les quartiers présentant le plus fort taux de renouvellement sont localisés sur l’axe centre-ville-facultés, confirmant le poids des étudiants dans ce renouvellement », assure l’Insee. Les nouveaux étudiants trouvent facilement un logement à loyer raisonnable. « Les prix oscillent entre 280€ et 330€, affirme Philippe Gervis. Ce qui reste très raisonnable. » Le président du comité de quartier de Blossac-Saint-Hilaire assure qu’il est possible de se loger facilement dans le centre. En revanche, il se montre beaucoup plus critique sur les transports… « Le quartiers est habité par des personnes âgées qui ont du mal à se déplacer à pied. Alors, d’accord pour que le centre reste piéton, mais il faut prévoir des aménagements. »
Philippe Gervis demande à ce qu’une navette soit créée pour traverser le plateau. « Le problème des bus, c’est qu’ils sont radiants. Ils déposent tous les passagers au même endroit et, après, ces derniers doivent se débrouiller. Or, pour certains retraités, ce n’est pas facile d’aller de la place du Marché à la rue Carnot, les bras chargés de commissions. » L’habitant de la rue de l’Université compte sur la mairie pour faire évoluer les choses. Mais qu’on se le dise, la Ville n’a pas changé de discours quant au plan de circulation : il restera tel quel. N’en déplaise à Marie-Christine Texier et François Broquereau, certains risquent encore de râler…
(*) La présidente du Local est bien Marie-Christine Texier et non pas Anne-Marie Texier comme indiquée dans notre version papier.
Les chiffres qui comptent
> 237,8 : en hectares, la superficie du centre-ville.
> 17 985 : le nombre d’habitants recensés dans le centre-ville de Poitiers en 2009. L’Insee découpe le quartier en huit zones : Trois- Quartiers (3617 habitants), Feuillants (2084), Cathédrale (2421), Hôtel de Ville (2015), Sainte-Croix (2352), Carnot (2197), Blossac-Saint Hilaire (2866) et gare (433).
> 37,9% : le pourcentage de jeunes de 18 à 24 ans en 2009.
> 87 : le nombre de commerces hors services, le plus élevé de tous les quartiers de la capitale régionale.
> 33 : le nombre de médecins généralistes en centre-ville en 2009. C’est dans la zone Blossac-Saint-Hilaire que se trouve le plus fort contingent (11).
Les projets qui comptent
> L'ancien théâtre crée des remous
La transformation de l'ancien théâtre, place Leclerc, est l'un des projets phares de la municipalité. Il est l'un aussi des plus controversés. Pour rappel, la Ville souhaite créer une salle de 500m2 dédiée aux arts visuels, dont elle demeurera propriétaire. Les 2000 m2 restants se transformeront en logements et commerces. La collectivité a cédé cette surface pour pour 510 000€, un prix supérieur de 20% à l’estimation de France Domaine. Le collectif de défense de l'ancien théâtre ne l'entend pas de cette oreille. Les membres ont saisi la justice et demandent l'annulation de la vente devant le tribunal administratif. La décision n'a pas encore été rendue.
> Une nouvelle caserne pour les pompiers
La future caserne des pompiers devrait être construite à l'ouest de la ville. Elle pourrait être financé grâce à la vente de la caserne Pont-Achard, devenue vétuste. La municipalité devrait effectivement céder à titre gratuit le centre de secours de Pont-Achard au Sdis 86.
Trois questions pour un quartier
« Quand nous nous sommes installés, il y avait de nombreux commerces du côté de Rivaud. Aujourd'hui, certains ont fermé ou sont transformés en logements. Résultat, il y a un déséquilibre entre la rue Carnot, Blossac et Rivaud. Comment rendre cette zone de nouveau attractive ? » James Lay, gérant du Love Money Café.
« Nous observons une augmentation du taux de remplissage du parking de Blossac, preuve que les Poitevins commencent à prendre de nouvelles habitudes. Le quartier Rivaud n'a jamais été un grand pôle commercial, mais il est très important de conserver les petits commerces de proximité appréciés par les habitants. Actuellement, nous nous concentrons sur l'activité du plateau, mais les choses vont se faire petit à petit et si demain un commerce veut s'ouvrir rue Rivaud, nous serions ravis de l'aider à s'installer. » Patricia Persico, adjointe en charge du Commerce, animation dans la ville et tourisme. (*)
Les personnes aux revenus modestes ne trouvent pas de logement en centre-ville. Ils sont obligés d'habiter dans les quartiers périphériques. Cela n'encourage pas la mixité. La création de logements à bas-loyers est-elle envisagée ? » Clémence Pont, habitante du boulevard Anatole-France.
« Bien sûr. La collectivité souhaite mettre en application la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement. A ce titre, la Ville a délégué son droit de priorité à Logiparc. Nous étudions donc la possibilité de créer dix-sept logements, du T2 au T5, dans l'ancienne Chambre régionale des comptes, rue Scheurer-Kestner, à Poitiers. Un autre programme est également à l'étude rue du colonel Sarrail. L'objectif est de faire revenir sur le plateau les familles qui l'avaient déserté pour des raisons de coût ou de surface. » Stéphanie Bonnet, directrice générale de Logiparc.
Les Poitevins reviennent peu à peu dans le centre, mais des choses restent à améliorer pour le rendre plus attractif. Pourrait-on, par exemple, proposer davantage d'animations en ville la semaine ? Céline Parella, responsable du magasin Etam, rue Gambetta.
« Actuellement, nous animons le centre quarante-cinq jours dans l'année. Un tiers des animations a lieu le samedi. On est partant pour proposer des activités la semaine, mais nous sommes tous des bénévoles à Poitiers le Centre. Il nous faut des forces vives ! Qui plus est, le budget n'est pas extensible. Notre but, c'est de faire venir du monde dans le centre et ça marche puisque les « samedis jeux » séduisent les Poitevins. Nous souhaitons également mettre en place la « course des garçons de café », une battle de DJ, une exposition de voitures de collection… Nous ne sommes pas à court d'idées ! » Benoît Delsuc, président de Poitiers le Centre.