Entre fusion et confusion, parole d'experts

Le chef de l’Etat a amorcé, la semaine passée, le premier volet de la réforme territoriale, en divulguant la carte des nouvelles grandes régions. Poitou-Charentes, Centre et Limousin devront s’inventer un destin commun. Une vraie opportunité pour le géographe Dominique Royoux et l’économiste Pascal Chauchefoin.

Arnault Varanne

Le7.info

L’un est maître de conférences à la Faculté de sciences économiques de Poitiers. L’autre est professeur associé au département de géographie. Pascal Chauchefoin et Dominique Royoux constatent, depuis une dizaine de jours, mi-amusés mi-consternés, c’est selon, la levée de bouclier des élus de tous bords contre la carte de France des nouvelles régions. Dans ce paysage redessiné par l’Elysée, Poitou-Charentes, Limousin et Centre devraient désormais faire route commune. « Et ce n’est pas très étonnant que les critiques se cristallisent sur cette partie du territoire, observe Dominique Royoux en préambule. Les hésitations, nous les traînons depuis 1955 et la création des Etablissements publics régionaux… »

Plutôt que de s’attarder sur les problématiques d’identité culturelle, de liens historiques ou de frontières institutionnelles, le professeur associé(*) préfère «
regarder devant ». « Cette grande région, c’est une formidable opportunité de créer un vrai laboratoire urbain, à l’allemande. » Certes, mais sans métropole forte point de salut, non ? « Au contraire !, avance Pascal Chauchefoin, il faut sortir du schéma de la ville dominante et sa périphérie, comme Paris et la banlieue. Limoges, Poitiers, Tours et Orléans doivent inventer un mode d’organisation par projets. »


« Peser à l’échelon européen »

De fait, le « Centre Ouest Atlantique » (D. Royoux) ne deviendra pas, du jour au lendemain, la région la plus riche ni la plus peuplée de l’Hexagone. Disons qu’avec 81903 km2, treize départements, 5,1 millions d’habitants et un PIB évalué à 129,4 milliards d’euros, elle se rapprochera de la bonne moyenne. « Surtout pour peser à l’échelon européen », ajoute l’économiste. Selon lui, en plus de « la qualité de vie », quatre à cinq thématiques doivent servir de creuset de développement à la grande région : les relations universitaires, hospitalières, l’agriculture, l’agroalimentaire, l’industrie ou encore le tourisme. Et dans ce maelström de secteurs « à fort potentiel », aucune ville n’a vocation à écraser l’autre. « Ce qui signifie que seule la complémentarité des moyens permettra un réel essor économique.» « Plutôt que d’aller en ordre dispersé sur des salons du tourisme à l’étranger, mieux vaut porter une seule voix… »

Un autre exemple ? Difficile d’imaginer que les aéroports de Brive, Limoges, Angoulême, Tours et La Rochelle continueront, demain, de se livrer une concurrence effrénée. De son côté, Dominique Royoux imagine déjà l’axe Poitiers-Tours comme incontournable dans cette nouvelle configuration. Les deux experts s’accordent en revanche sur plusieurs points : l’apprentissage territorial va demander du temps et de l’imagination pour rendre le même niveau de services à la population et ne produira pas d’économies d’échelle. Au moins à court terme. « Ce n’est pas raisonnable d’évoquer un chiffre », estime le maître de conférences. Avec son collègue, il prépare d’ailleurs un colloque sur la… décentralisation, les 3 et 4 décembre. D’ici là, les esprits se seront peut-être apaisés.

(*) Par ailleurs directeur du service Prospective et coopération territoriale de Grand Poitiers.

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