Les marginaux,  reparlons-en !

En mars 2013, nous consacrions un dossier au « phénomène » de marginalisation dans le centre-ville de Poitiers. Plus d‘un an après, riverains et commerçants se plaignent toujours de « comportements déplacés ». C’est le huitième volet de notre série « droit de suite ».

Nicolas Boursier

Le7.info

Elle s’était fendue d’un mail courroucé. Expliquant qu’à la lecture de notre article sur « les marginaux de Poitiers », elle ne pouvait accepter quelque clémence que ce soit à l’égard d’« une population irrespectueuse et verbalement agressive ».

C’était il y a quatorze mois. Depuis, Isabelle a quitté son logement du centre-ville, « déclarant forfait » devant le maintien en l’état d’une « situation devenue inextricable ». Effacée l’image (et le son) des débordements éthyliques, des aboiements intempestifs, des répressions vaines et des incivilités répétées. « D’autres doivent pourtant toujours les endurer », écrit aujourd’hui la jeune femme.

Et comment ? Les témoignages de passants, riverains, mais aussi de touristes apeurés par la présence massive et alcoolisée des SDF du centre-ville, continuent d’alimenter le débat. Des SDF ? « Nous parlons plutôt de marginaux, explique la police. Ceux qui vivent réellement à l’air libre à longueur de journée et d’année se comptent sur les doigts d’une main. Les autres ont un logement, mais aiment à retisser le lien de la rue. L’effet de masse joue à plein et c’est justement ce qui pose problème. »

Et la vidéo-protection ?

Nouvellement élu au conseil municipal de Poitiers, Christian Petit s’est emparé de ce dossier ô combien sensible. Pour lui, il n’est rien de plus regrettable que « l’image renvoyée aux clients des commerces, aux touristes et aux plus jeunes, par des rassemblements bruyants et des comportements incivils ». « Socialement et médicalement, éclaire-t-il, la vingtaine de marginaux sédentaires qui fréquentent le plateau sont très bien suivis, notamment par les services du Centre communal d’action sociale et La Croix-Rouge. Individuellement, leur comportement ne pose pas de problème. Le hic, c’est lorsqu’ils se regroupent. L’alcool aidant, ils deviennent beaucoup moins contrôlables. C’est justement sur les déviances de cette dynamique de masse qu’il faut faire porter nos efforts. »

Quels efforts ? Des contrôles policiers plus soutenus ? Une verbalisation effrénée ? L’interdiction de vente d’alcool au Monoprix des Cordeliers, lieu d’approvisionnement patenté des marginaux ? Et pourquoi pas de la vidéo-protection en des lieux « sensibles » de la cité. ? Sur le sujet, Alain Claeys avait laissé poindre, quasiment pour la première fois depuis son élection de 2009, l’hypothèse d’une « ouverture », lors de la dernière AG de Poitiers le Centre. « C’est effectivement une piste de réflexion, admet Christian Petit. Place Notre-Dame et dans quelques rues adjacentes, la présence de caméras pourrait avoir un effet dissuasif. Mais je ne suis pas certain que cela soit la panacée, car cibler certains points chauds risque de déplacer le phénomène. Dans tous les cas, nous allons étudier, avec les commerçants, mais aussi l’ensemble de la chaîne médico-sociale de la ville, toutes les idées qui nous permettront de favoriser une meilleure cohabitation. »

Les arrêtés municipaux sur la consommation d’alcool ou les rassemblements de chiens semblent, jusque-là, ne pas avoir atteint leur but. Faut-il désormais espérer que l’exaspération et la peur des riverains se traduise par des plaintes officielles plus fréquentes. « Témoigner de son mal-être en déposant une main courante n’a rien à voir avec de la délation », expliquent, de concert en police et municipalité. S’il faut en arriver là…

Les parkings comme dortoirs

Les commerçants adhérant à Poitiers le Centre n’ont de cesse de l’affirmer : le travail collaboratif avec la Mairie est exempt de tout reproche. Pour autant, nombre d’entre eux craignent, qu’en des temps économiquement difficiles, les attroupements alcoolisés détournent définitivement une partie de la clientèle du centre-ville. « Il y a deux ans, nous avons compté jusqu’à quarante chiens réunis, attachés n’importe comment et n’importe où, rappelle l’un de ces commerçants. C’est au-dessus de l’acceptable. » Par-delà la présence de ces marginaux -« dont nous nous pouvons par ailleurs comprendre les difficultés », reconnaît notre interlocuteur-, Poitiers le Centre pointe du doigt le ras-le-bol engendré par une mendicité forcée et les mots fleuris abusifs. « Pourquoi ne pas leur trouver un coin bien à eux, où ils pourraient se réunir sans gêner la population ? », demande le commerçant. Lequel met en lumière un débordement à éviter : l’envahissement progressif des parkings, dont celui de Notre-Dame. « Quand vous allez au -1 ou au -2, que vous croisez chiens et bonhommes couchés par terre et que vous respirez des effluves d’urines animale et humaine mêlées, ça ne vous encourage pas à venir dans le centre. » C’est le moins que l’on puisse dire…

 

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