Passive et hors-norme

Sur la zone de la Mérigotte, à Poitiers, Benoît Théau achève la construction d’un bâtiment très particulier, d’une superficie de 450 m2 habitables. Très bientôt, plusieurs familles habiteront cette grande « maison » passive, dans laquelle le mot « individuel » est presque proscrit.

Arnault Varanne

Le7.info

Ils mûrissaient le projet depuis « plus de dix ans ». Les voilà à la porte de chez eux. Dans quelques semaines, quelques mois tout au plus, Benoît Théau et ses deux acolytes emménageront dans un bâtiment de plus de 450 m2 en bois, niché au fond de la zone de la Mérigotte. « L’équivalent de trois grands logements et trois studios », indique le réalisateur audiovisuel, spécialiste du développement durable. Leur projet prend forme depuis bientôt deux ans et ne ressemble à aucun autre dans sa conception. Pour cause, les futurs propriétaires ont misé sur le principe d’un habitat passif. Aucun système de chauffage dédié ne viendra « défigurer » leur intérieur.

Un exploit rendu possible par l’emploi de matériaux très performants. Aux panneaux en bois de cinquante centimètres d’épaisseur, il faut ajouter de la laine de… bois et du Métisse. Cet isolant est fabriqué à partir des tissus recyclés par Le Relais et non commercialisables par des associations telles qu’Emmaüs. «
La dimension sociale nous a convaincus, d’autant que ce matériau a une durée de vie plus longue que les autres… », insiste Benoît Théau. Les menuiseries comportent, elles, un triple vitrage. Mais l’originalité de ce nouvel habitat réside également dans la fabrication de murs inertiels, conçus sur place avec la terre des fondations.


Un art de vivre

Qu’ès aco ? Lovées dans les pièces, ces parois -vingt mètres d’un mélange d’argile, de chaux et de chanvre- captent la chaleur du soleil et la restituent la nuit en période hivernale. Le procédé est astucieux et complète à merveille l’emploi d’une VMC double flux dont le rendement avoisine les 97%. Une chaudière à granulés viendra sans doute compléter le dispositif dans un second temps. Sur le toit, deux cents mètres carrés de panneaux photovoltaïques permettent à Benoît Théau de « gagner de l’argent ». « Au final, nous allons produire deux fois plus d’énergie que nous n’en consommerons. Nous n’aurons pas de charges, mais des revenus ! », insiste le réalisateur. Il y a chez lui beaucoup de convictions, notamment celle que l’ère de la maison individuelle est en passe de s’achever.

«
En termes économique, écologique et social, cela n’a plus aucun sens… » D’où l’aménagement d’une salle commune et d’espaces collectifs. Comme cette buanderie, dans laquelle les machines à laver côtoieront un four à pain à bois. D’où, aussi, la modularité des espaces. Ici, tout est prévu pour qu’un logement puisse se scinder en deux
au besoin. La récupération des eaux de pluie -une cuve de 18m3 se trouve dans le sous-sol- permettra aux uns et aux autres d’alimenter jardin, toilettes et lave-linge. De quoi couvrir jusqu’à 60% des besoins. À terme, Benoît Théau rêve même de créer des bassins de pisciculture, dans l’immense couloir qui sépare la partie habitable des garages et salles techniques. Le tilapia devrait être le premier locataire des lieux. Des poules gambaderont bientôt dans le jardin attenant. Tout ça aux portes de Poitiers. Ou comment prouver qu’une maison passive(*) peut se révéler très active.

(*) Benoît Théau et ses amis envisagent de faire certifier leur bâtiment par un organisme intitulé « La Maison passive France ». À leur connaissance, il n’y en aurait qu’une soixantaine en France, dont un en Poitou-Charentes.

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