Avant-dernière étape de notre série sur les quartiers. Cette semaine, nous nous penchons sur Poitiers-Sud, actuellement en pleine transformation. Un renouveau auquel les habitants, eux, ont cessé de croire.Avant-dernière étape de notre série sur les quartiers. Cette semaine, nous nous penchons sur Poitiers-Sud, actuellement en pleine transformation. Un renouveau auquel les habitants, eux, ont cessé de croire.
«Triste, endormi, replié… » Les adjectifs utilisés par les habitants de Poitiers Sud pour qualifier leur quartier n’ont rien d’élogieux. « On a la sensation d’être oubliés, d’être un peu les laissés-pour-compte », souffle Jacques Stervinou, président du comité de quartier. Dans sa voix se devine la colère. L’abondance de commerces, notamment grâce à Auchan, et de services publics -mairie annexe, bibliothèque, piscine, poste...- n’y change rien. La population de Poitiers-Sud se sent « abandonnée ». « On nous avait promis monts et merveilles avec le programme de rénovation urbaine, raconte Nathalie Gaboriau, membre du comité de quartier. Résultat, des bâtiments ont été détruits et on ne voit toujours rien venir… »
Deux-cent-quinze logements sociaux ont été démolis (quatre-vingt-cinq sur Bellejouanne et cent-trente sur Pierre-Loti). Ils sont actuellement en pleine reconstruction, mais l’attente se fait longue… « Je crois que les gens ont tout simplement hâte que cela se termine, avance Dominique Rudnik, directeur de Cap-Sud. Six cents habitants sont partis. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, c’est comme si on perdait vingt mille personnes à l’échelle de Poitiers ! Forcément, cela crée une sensation de vide, mais ce n’est que temporaire. »
Trop tranquille
Reste que pour le moment,certains commerçants de Bellejouanne ont perdu près de 25% de leur clientèle. Mais, heureusement, celle-ci se laisse peu à peu reconquérir… Il y a un an, Brigitte et Jean-Yves Motillon ont repris le tabac-presse et sont conscients de leur rôle auprès de la population locale : « Certains viennent tous les jours nous voir, parfois simplement pour discuter, explique Madame. Ce sont les petits commerces qui font vivre le quartier ! » Malgré leur profonde déception, tous les habitants s’accordent à dire que les problèmes d’insécurité sont derrière eux. « Nous avons subi, par le passé, les rixes entre les bandes rivales de Pierre-Loti et Bellejouanne, mais c’est terminé, assure Nathalie Gaboriau. Aujourd’hui, c’est un quartier très tranquille. » Trop tranquille ? Nombreux sont ceux qui regrettent la pauvreté du tissu associatif. « Qu’est-ce qu’on s’ennuie ! Ce n’est pas compliqué, je suis obligée d’aller à Buxerolles pour pratiquer des loisirs créatifs », soupire une habitante.
Une mixité sociale à créer
Pourtant, le programme culturel de la Maison de quartier est très riche. Récemment, on y a joué « Tartuffe », monté par la compagnie « La Clique d’Arsène ». Une représentation de grande qualité selon les spectateurs présents. « Mais que croyez-vous ? Que ce sont des gens de Bellejouanne qui se sont déplacés ? Il ne faut pas rêver… », s’agace Jacques Stervinou. Il est vrai que la population de ce territoire est encore en grande difficulté sociale. Près de 25% des jeunes de moins de 24 ans ont terminé leurs études sans diplôme. Le taux de chômage y est très élevé (17%). Seuls 36% des ménages du quartier sont imposables, contre près de 55% en moyenne à Poitiers. « Malheureusement, ce ne sont pas ces personnes qui peuvent assister aux spectacles de Cap-Sud. Ils s’adressent davantage à des gens de Chilvert ou des Prés Mignons, voire carrément à la population du centre-ville. » Dominique Rudnik balaie ces remarques d’un revers de main. « C’est notre travail de créer de la mixité sociale. Moi, je milite pour le mélange des publics. Une vie de quartier, c’est comme une mobylette, il faut un juste dosage entre l’huile et l’essence pour qu’elle démarre. Il suffit d’allumer une mèche pour que tout prenne feu… » Pour l’instant, aucune étincelle n’a, semble-t-il, pu raviver la flamme dans le coeur des habitants…
Les chiffres qui comptent
> 453,9… en hectares, la superficie de Poitiers-Sud. 6621… le nombre d’habitants recensés à Poitiers-Sud en 2009. L’Insee a découpé le quartier en zones : Chilvert (2592 habitants), Bellejouanne (1617), Les Prés Mignons (2075) et La Pointe à Miteau (337).
> 73… le nombre des commerces (hors services) du quartier. Ce nombre se justifie par la présence d’Auchan- Sud et de ses nombreuses boutiques.
> 35% … des femmes de 15 à 24 ans sont en situation de chômage. Les habitants « actifs » sont majoritairement des employés (32%).
Trois questions pour un quartier
« L'ancienne maison au cœur du parc des Près-Mignon se dégrade d'année en année. Les habitants attendent toujours de « s’approprier » dans de bonnes conditions cette bâtisse, qui pourrait être un lieu de rencontres, dont le quartier a bien besoin. Avez-vous prévu de la rénover et de l'ouvrir au public ? » Jean-Daniel Sire, vice-président du comité de quartier de Poitiers.
« Les Compagnons du devoir devaient s'y installer il y a deux ans, mais cela n'a finalement pas pu aboutir. Pour le moment, il n'y a rien de prévu, tout simplement pour une question de budget. Nous avons choisi de na pas augmenter le taux d'imposition local. Il y a certaines priorités… ». Le service communication de la Ville de Poitiers.
« Les rues Blaise-Pascal et des Joncs sont utilisées comme « itinéraires bis » pour se rendre à Fontaine le Comte. La circulation devient gênante pour les riverains, surtout depuis l'extension de la zone autour d'Auchan-Sud… Avez-vous imaginé des infrastructures pour résoudre ce problème ? » Chantal et Bernard Matayer, habitants de Poitiers-sud .
« Nous sommes tout à fait conscients de la situation. Nous nous sommes même rendu sur place pour constater les nuisances. Rue des Joncs, nous imaginons un carrefour à feux pour limiter la circulation. Si les automobilistes utilisent cet axe, c'est pour gagner du temps en évitant les feux et les carrefours de l'avenue de la Libération. Evidemment, nous en discuterons avec les riverains. A propos de la rue Blaise-Pascal, c’est plus compliqué. Nous l'avons récemment aménagée, nous ne pouvions pas faire beaucoup plus… » Elianne Rousseau, élue en charge de la Voirie.
- Qu'en est-il du parcobus devenu « fantôme » ? Il permettait pourtant aux habitants de bénéficier de transports en commun efficaces ? Catherine Bodin, habitante du quartier.
« Ce parcobus était situé sur le parking de Super U, aujourd'hui Intermarché. Une convention avait été signée entre Vitalis et le directeur du supermarché. Fin 2012, pour faire face à la concurrence, le directeur Jacques Couturier a souhaité mettre un terme à cette convention. Il voulait offrir davantage de places de parking à sa clientèle. Nous ne pouvions pas anticiper cette chose-là. Aujourd'hui, nous sommes en cours de réflexion pour trouver une solution. Une partie du parking d'Auchan-Sud pourrait être utilisée comme parcobus. Nous débutons tout juste la discussion. Sinon, nous envisageons d'acheter un terrain dans cette zone. Rien n'est défini. Notre priorité reste l'extension des parcobus de la Demi-Lune et de Champlain. » Anne Gérard, adjointe déléguée à la Mobilité, aux Transports et aux Stationnement.
Les projets qui comptent
> L'Anru se poursuit à Bellejouanne
Deux-cent soixante-douze logements sont en cours de réhabilitation. Le chantier de Pierre Loti se poursuit normalement avec la construction de ses cinquante et un nouveaux logements (trois bâtiments de 17 logements chacun). L’aménagement des espaces verts se concrétise peu à peu. Un bâtiment a été créé pour héberger l’épicerie sociale « Go Elan » et les Restos du Cœur. La Ville a investi 1 358 887 € et Grand Poitiers 837 381 € (hors-taxe).
> La rénovation de l'auberge de jeunesse
L'Auberge de jeunesse de Bellejouanne aurait bien besoin d'une seconde… jeunesse. « En plus des travaux d'accessibilité, l’établissement doit absolument être rénové, assure Christophe Hoden, le directeur. Sans cela, nous risquons de perdre de la clientèle. A terme, cela pourrait entraîner la fermeture de l'établissement... » Ces travaux nécessitent une enveloppe de 2,5M€. « Nous ne pouvons pas mettre plus de 100 000€ », déclare le président, Richard Jalbert. En clair, les dirigeants tiennent à ce que la Ville mette la main à poche… « On attend que la Mairie protège son bâtiment. C'est du gagnant-gagnant : il ne faut pas oublier que l'auberge est un outil d'attractivité pour le territoire. » Pour rappel, la dernière rénovation date de… 1970. Il s'agissait de l'extension d'une aile de l'établissement.