En mars dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament a donné son feu vert à une prescription temporaire du baclofène pour traiter l’alcoolisme. Dans une dizaine de villes de France, une étude est actuellement menée sur les effets de ce remède. Dont Poitiers.
Depuis la mi-mars, les médecins ont officiellement le droit de prescrire du baclofène pour traiter l’addiction à l’alcool de leurs patients. A l’origine, cette molécule soigne les pathologies liées aux muscles, telles que la sclérose en plaques. Mais dans les années 2000, le cardiologue Olivier Ameisen, alcoolo-dépendant, décide de tester sur lui-même les effets du baclofène. Les résultats s’avèrent spectaculaires… Le Dr Ameisen devient totalement indifférent à l’alcool. Cette expérience provoque rapidement un grand tapage médiatique. Plusieurs études, plus ou moins sérieuses, se succèdentpour tenter de prouver l’efficacité réelle du baclofène. La dernière en date se nomme « Bacloville ». Soixante-dix médecins généralistes de neuf régions françaises(*) y participent. Poitou-Charentes en fait partie. « L’essai a débuté en 2012 et est toujours en cours », souligne le docteur Philippe Binder, coordinateur de l’étude en Poitou-Charentes.
Trois cent vingt personnes se sont portés volontaires. La moitié reçoit un placebo, l’autre du baclofène. Ni le médecin, ni le malade ne savent qui absorbe réellement la molécule. Certains patients du docteur Binder ont déjà achevé l’expérimentation. Verdict ? « Il y en a un pour qui le résultat a été époustouflant. Et il prenait vraiment le médicament… Ceux qui étaient sous placebo ont continué à boire. » Ces premières observations ne constituent pas des preuves tangibles. Les résultats définitifs ne seront dévoilés qu’en 2015.
« Pas de pilule miracle »
La communauté scientifique se montre encore sceptique. Philippe Boutin, président de l’Union régionale des professionnels de santé Poitou-Charentes, affirme que le baclofène est l’un des « éléments de l’arsenal thérapeutique employé pour soigner l’alcoolisme ». « Il faut être très prudent, poursuit-il, il n’existe pas de «pilule miracle». L’addiction à la boisson peut avoir de multiples origines : dépression, mal-être général, besoin d’inhibition… Il faut traiter la cause avant le symptôme. » Pourtant, les patients se l’arrachent… En 2012, près de 50 000 Français alcooliques en consommaient hors du cadre réglementaire, d’après la Caisse nationale d’assurance maladie. Sur les forums, les témoignages s’accumulent. Sylvain, lui, est « à la recherche d’un médecin courageux dans la Vienne pouvant prescrire du baclofène ». « Ce n’est pas pour moi, mais pour mon frère de 25 ans, qui est au bout du rouleau, multipliant les cures sans succès, ajoute-t-il. Je ne suis pas à la recherche du produit miracle, mais j’essaie de tout faire pour lui permettre de sortir de cette maladie qui fait souffrir toute ma famille… »
Ancienne alcoolique, Monique Herigault est trop souvent confrontée à ce type de situation. La présidente de l’association « Alcool Ecoute Joie et Santé » de la Vienne assure que le baclofène peut être « une béquille », mais ne remplace en aucun cas un suivi médical et psychologique. « Un petit jeune qui assistait à nos réunions a testé ce médicament. Apparemment, cela a marché. Mais dès qu’il a arrêté d’en prendre, il a replongé, raconte-t-elle. Sa copine est désemparée. Elle pensait que le baclofène était le dernier recours… ». La présidente affirme qu’« avant toute chose, il faut reprendre confiance en soi et surtout avoir envie de vivre autrement. Le baclofène n’agit pas sur cela ». Une chose est sûre, ce médicament n’a pas fini de faire parler de lui…
A écouter, l'avis du Dr Franck Duclos, secrétaire général du conseil de l'ordre des médecins de la Vienne et médecin généraliste :