Entre tags injurieux à 732 La Bataille, dégradations et envahissements dans les lieux de culte, la communauté musulmane de Poitiers fait face, depuis un an et demi, à une série d’incivilités inhabituelles. Un système de vidéosurveillance vient d’être installé sur le site de la grande mosquée.
La semaine dernière, rue de la Vincenderie. Tandis que les fidèles sortent tour à tour de la salle de prière, un ouvrier s’affaire à changer la serrure d’accès aux locaux annexes à la grande mosquée. « Nous avons également fait réparer deux fenêtres qui ont été cassées », éclaire l’Imam. Les traces de la dernière visite d’un ou plusieurs individus, entre les 4 et 6 février, sont encore visibles. Idem à l’école musulmane de la rue Guillaume-VII Le Troubadour. Dans les deux cas, aucun vol ni saccage, mais l’intention de marquer les esprits. Pour se prémunir contre de nouveaux agissements, la communauté musulmane a d’ores et déjà fait installer deux caméras, qui seront bientôt reliées à un système de vidéosurveillance piloté à distance.
Ajoutez à cette intrusion des tags à caractère clairement islamophobe -« 732, on à pas oublié » (sic)- sur le site de la Bataille de Poitiers, et vous avez tous les ingrédients d’un climat un brin pesant dans la Vienne. A fortiori à l’approche des élections municipales. « Sur ces affaires, la police et la gendarmerie font leur travail », se contente d’indiquer Boubaker el Hadj Amor. N’empêche, depuis l’invasion de la mosquée de Poitiers, en octobre 2012, plusieurs événements ont ébranlé les musulmans, en dépit de « relations très apaisées avec toutes les autorités et les autres communautés » : l’arrestation d’un homme à la rentrée 2012, poursuivi pour incitation à la haine raciale, après qu’il eut inondé la galerie commerciale et l’imam de tracts injurieux, le déploiement de la banderole « Islam dehors », l’abondance de propos racistes sur la toile…
« Le vivre-ensemble est réel »
Cette recrudescence de faits hostiles à la communauté musulmane a-t-elle un lien avec l’implantation de Génération Identitaire dans la Vienne ? Interrogées, les autorités doutent de l’existence réelle d’un groupe constitué dans la capitale régionale, même si les dégradations commises sur le campus, en janvier, laissent peu de place à l'indécision sur le profil de leurs auteurs. « Certains veulent faire de Poitiers un lieu de tension, alors que le vivre-ensemble y est réel, regrette Abdelmajid Amzil. Le président d’Abchir La Réjouissance indique s’exprimer comme simple citoyen.
À l’automne, l’association des Trois-Cités avait suscité émoi et interrogations dans le quartier, après son installation au sein du centre commercial. À écouter Abdelmajid Amzil, la polémique est close et les activités de l’association (apprentissage, cours de langue arabe, alphabétisation…) désormais comprises par les habitants. « A notre niveau, nous sommes promoteurs du vivre-ensemble. » Un vivre-ensemble « pas menacé », mais visiblement à cultiver avec encore plus d’ardeur que par le passé.