L’Ecole de la République sème-t-elle le trouble dans l’esprit des jeunes enfants ? Les tenants de la théorie du genre alimentent la polémique, suscitant l’inquiétude de certaines familles. Leurs
opposants dénoncent une campagne de désinformation.
La rumeur autour de la « théorie du genre » n’en finit plus d’empoisonner l’Ecole. Alors que le gouvernement s’échine à la faire taire -Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale, a rappelé, en marge de sa visite à Canopé (ex-CNDP), qu’elle n’était pas enseignée-, certains n’hésitent pas à remuer le couteau dans la plaie. Olivier Vial, porte-parole de « l’Observatoire de la théorie du genre », était, cette semaine, à Poitiers, pour animer une conférence. « L’idée, c’est d’expliquer comment cette théorie se diffuse dans nos écoles, déclare-t-il. Car elle se propage très vite ! Pour être très concret, ce concept consiste à dire qu’il y a une séparation absolue entre le corps biologique et le ressenti sur son identité sexuelle. On supprime les repères masculin et féminin au moment-même où les enfants en ont le plus besoin ! » Ce discours angoisse certains parents. Une trentaine d’enfants ont été retirés des établissements scolaires de Châtellerault après que les familles ont reçu des textos alarmistes sur « l’enseignement obligatoire de la théorie du genre ».
Présidente de la Fédération des conseils de parents d’élèves de la Vienne, Christine Reudien se dit « atterrée » par ces débats. « C’est complètement stérile. Il s’agit simplement de respect entre les sexes. Dire aux filles qu’elles peuvent jouer aux petites voitures et aux garçons qu’ils ont droit de pouponner, je trouve ça formidable ! Et la plupart de nos adhérents ne montrent aucun signe d’inquiétude. »
Inutile polémique
Est-ce à l’Ecole de discuter de ces notions ? Pour Jacques Moret, recteur de l’académie de Poitiers, la réponse est sans équivoque. « Bien sûr. L’Ecole enseigne les valeurs de la République. L’égalité entre homme et femme fait partie intégrante de ces valeurs. Le professeur doit évidemment donner des définitions biologiques, mais aussi expliquer qu’il n’existe pas de déterminisme sexuel. » A Poitiers, plusieurs étudiants de Sciences-Po abordent ces questions auprès de CM2 de Coligny-Cornet.
Lors d’ateliers, les enfants s’interrogent sur la place du père et de la mère à la maison, les métiers et jeux faussement réservés à certains sexes, les stéréotypes véhiculés par la publicité… « Certaines violences entre enfants peuvent naître de préjugés, c’est par exemple le cas lorsque des filles sont exclues d’un match de foot, détaille Sandrine Degenne-Furet, directrice de l’école. Ces interventions ont le mérite de susciter des interrogations dans l’esprit des enfants. » Ces ateliers se rapprochent de l’« ABCD de l’égalité ». Testé dans dix académies volontaires-Poitiers n’en fait pas partie-, ce dispositif a pour objectif de « lutter contre la formation de ces inégalités dès le plus jeune âge ». Les contenus pédagogiques à destination des professeurs ont notamment été édités par Canopé. « Beaucoup de choses fausses sont véhiculées, soupire-t-on à la direction. Il faut aller sur le portail du dispositif pour comprendre qu’on lui prête des défauts qu’il n’a pas. Cette polémique n’a pas lieu d’être. » Pour le moment, la rumeur court toujours…