Les "brouteurs" attaquent

Savez-vous ce que signifie le mot « brouteur » ? Catherine, mère de famille poitevine de 54 ans, aurait préféré ne pas en connaître la définition. Elle est hélas tombée dans les griffes de l’un de ces imposteurs escrocs du net…

Nicolas Boursier

Le7.info

Il se faisait appeler « Louloulapin » et se présentait comme un homme d’affaires bien sous tous rapports. 53 ans. Divorcé. Le coeur meurtri par la perte d’une fille unique. Emotion garantie ! Sa profession ? Vendeur de voitures de luxe. Catherine, mère de famille poitevine de 54 ans. Veuve depuis 2008. En quête d’amitiés complices. Et plus si affinités. En s’inscrivant, au coeur de l’été, sur le site -gratuit- de rencontres mecacroquer.com, la petite dame caresse l’espoir de « nouer le contact ».

Avec Louloulapin, le courant passe rapidement. « Très vite, nous avons échangé sur Skype, explique-t-elle. Pendant deux semaines, je me suis prise au jeu, en me dévoilant peu à peu. Lui, c’était déjà des « Ma chérie » ou « Mon petit coeur ». » En quête d’affection, Catherine balaie les quelques doutes qui l’assaillent. Jusqu’au jour où « Louloulapin » annonce qu’il doit partir en voyage en Afrique pour son boulot. « Le plus étrange, ça a été de le voir écrire qu’il ne pourrait me contacter pendant son séjour, car son téléphone ne fonctionnait pas. Comment un vendeur à l’international était-il incapable de joindre la France ? »

L’« amoureux » finit pourtant par l’appeler, sur le numéro de portable qu’elle lui a imprudemment confié. « Sa voix était posée, mais quasi inaudible. L’échange a été très bref. » Quelques jours s’écoulent et un deuxième coup de fil rompt le silence. « Aux premiers mots prononcés, j’ai reconnu un fort accent africain, qui ne correspondait pas à ce que j’avais cru discerner la première fois. J’ai alors senti le vent tourner. Encore plus lorsqu’il a commencé à m’expliquer qu’il avait des problèmes de carte bancaire. »

Besoin de 9000€

L’aveu fait tilt. Catherine s’enquiert illico, auprès du commissariat de Poitiers, de la marche à suivre en cas de suspicion d’escroquerie. « Le gardien de la paix m’a fait comprendre que tant que le délit n’était pas avéré, il ne pouvait rien faire, poursuit la « victime ». J’ai alors décidé de m’amuser un peu avec mon correspondant. » En se reconnectant, elle apprend qu’il doit dédouaner ses voitures, que sa carte bleue est invalide, qu’il a besoin de 9000€. « Si tu ne peux pas m’envoyer autant, je me contenterai de ce que tu as, m’a-t-il dit. Mon sang n’a fait qu’un tour. J’ai lui ai balancé que j’avais un super copain hacker et qu’il allait le retrouver, où qu’il se trouve dans le monde. Après moult insultes que je tairai ici, il a fini par couper les ponts. »

Depuis la fin de cette histoire, il y a deux semaines, « Louloulapin » a disparu du répertoire de mecacroquer.com. La paisible mère de famille, « trahie », « blessée dans son intimité », a elle choisi de témoigner « uniquement pour attirer l’attention » d’autres victimes potentielles. De ces centaines de femmes et d’hommes qui, chaque jour, subissent les foudres de ces cyber-escrocs du net, dont l’industrie galopante se centralise sur la Côte d’Ivoire et l’Afrique de l’Ouest. « Dès qu’un interlocuteur inconnu commence à parler d’argent, il faut renoncer », prévient Catherine.

Puissent sa fraîcheur d’esprit et son récit courageux permettre à d’autres coeurs égarés de ne pas tomber dans le piège de l’amour aveugle.

120 000 contenus illicites signalés en 2012

Difficile de donner un chiffre précis du nombre de victimes des cybercriminels. Les services de police poitevins assurent enregistrer régulièrement des plaintes liées à ce genre d’actes et notent, toutefois, que les hommes sont plus nombreux à se faire avoir de la sorte. L’imagination des escrocs ne connaît pas de limite. Cautions exigées en mandat cash pour réserver en urgence un logement débusqué sur Internet, faux sites marchands, courriels à entête de la Police nationale réclamant le paiement d’une amende... En 2012, 120 000 contenus illicites ont été signalés sur le portail spécifiquement mis en ligne par l’Etat (*), contre 100 000 en 2011. Un conseil : ne donnez jamais votre numéro de compte ou de carte bancaire par email... même si c’est le Trésor public qui le demande.
(*) https://www.internet-signalement.gouv.fr

 

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