Hier
Nicolas Jules. 40 ans. Auteur compositeur interprète. Sort son huitième disque, « La nuit était douce comme la queue rousse du diable au sortir du bain ». Un peu barré, le Poitevin trace sa route sans sourciller dans l’univers très formaté de la chanson française.
Jour de pluie sur Paris. Le vent glacial a transformé Pigalle en quartier semi-désertique. Derrière les vitres de « La Fourmi », à deux pas de… « La Cigale », Nicolas Jules avale un café au comptoir. Dans quelques jours, il se produira à l’Européen tout proche. Les cheveux en bataille, mais les idées rangées, le quadra s’ouvre volontiers sur son dernier album, « La nuit était douce comme la queue rousse du diable au sortir du bain ».
Derrière ce titre excentrique -« je me suis lancé un défi ! »- un petit bijou de sensibilité forcément (un peu) autobiographique. Extraits : «Je suis ce que tu veux, mais nous ne savons pas vraiment ce que nous sommes. La vérité vraie, ça ne s’écrit qu’à la gomme.» Ce huitième opus, Nicolas Jules l’a en partie écrit à Mâcon, chef-lieu de la Saône-et-Loire et port d’aucune attache pour l’auteur de «Powête» et «Shaker». «J’y ai connu l’ennui, beaucoup, mais j’ai écrit l’essentiel du dernier album. Alors…» Une expérience supplémentaire sur le long chemin de ce « vieux » routier de la chanson française. A chaque fois qu’il s’approche de sa «zone de confort», ce fils de postiers prend la tangente.
De Poitiers à Tours. De Tours à Paris. De Paris à Mâcon. Et re-Paris. Il aime « la densité de la capitale », y déambuler, griffonner des idées sur un bout de papier, débusquer des bistrots insolites. Comme un loup solitaire, le p’tit gars de Lusignan s’inspire de tout, tout le temps. Tout en luttant contre sa « fainéantise chronique ». «Le métier de chanteur est un truc de feignant. Moi, je me bats en permanence pour être moins paresseux. J’ai besoin de me nourrir intellectuellement, de bosser plus. J’ai aussi conscience que ma vie sentimentale est aussi décousue que ma vie artistique. »
In-dé-pen-dant !
A y regarder de près, seule la scène comble son « appétit vorace de faire des chansons ». Mille cinq cents concerts en quinze ans. Les premières parties de Nougaro ou Sanseverino. Des Francos un peu, des cafés-concerts beaucoup, des scènes partagées avec «Higelin, Aubert, Fontaine, Fersen» et consorts aussi. Et pourtant, comme un hiatus, le sentiment que Nicolas Jules paie sa soif d’indépendance au prix fort. « Des fois, certains amis me disent : « On espère que ça va marcher pour toi… » Mais mon but n’est pas de passer à la radio. Je voulais écrire des chansons, j’en écris, faire des disques, j’en fais, vivre de la musique, j’en vis. Ça va, merci ! » Sur l’échelle de l’authenticité, l’ex-étudiant en Lettres recueille la note maximale. Il se « ferme les portes d’un éventuel succès public », le sait et assume.
« Pas tellement génial »
Ainsi donc, Nicolas Jules cultive le sentiment récurrent de « ne pas être tellement génial ». « En fait, il n’y a aucune raison qu’on m’aime ou qu’on me déteste. » Le mythe de l’ego artistique hypertrophié tombe de son piédestal ! Qu’importe, il trace sa route sans se retourner -« ce serait flippant »- et tente de se « servir au mieux » de son « côté singulier ». Quitte à interpeller, jusqu’à ses parents qui n’ont « pas bien vécu que je (qu’il) fasse de la musique ». Aujourd’hui, ça va mieux, même si la pudeur l’emporte encore sur toute forme d’effusion. Déjà, tout gamin, le petit Nicolas conjuguait son « côté singulier » au pluriel. « Il paraît que je construisais des marionnettes spectateurs ! »
Promis, il n’en a plus besoin. Son carnet de route pour 2013 et 2014 s’épaissit chaque jour de nouvelles dates. Avec son fidèle batteur Roland Bourbon et le nouveau de la bande, Clément Petit au violoncelle, Nicolas Jules s’apprête à (re) reprendre la route, nouvel album en bandoulière. Ce fan absolu de… Franck Martel -vous chercherez sur Internet- passera d’ailleurs par Poitiers « en fin d’année ». Loin de la Fourmi et de la Cigale. Fin de la discussion avec l’(af)fable Nicolas Jules.
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