Hier
À 70 ans, Alain Grégoire partage sa vie entre Poitiers et Dakar. Et son identité avec un Alsacien peu scrupuleux. Interdit bancaire et soupçonné d’escroquerie, le «vrai» Alain Grégoire se bat pour son honneur, avec l’aide de sa fille.
Tel un mal sournois et insidieux, l’usurpation d’identité toucherait près de 400 000 personnes dans l’Hexagone. L’année dernière, 14193 victimes ont officiellement porté plainte. Parmi elles, Alain Grégoire. Ce paisible retraité établi à Jaunay-Clan partage sa vie entre la Vienne et le Sénégal. C’est précisément dans un taxi à Dakar que ses ennuis auraient démarré. 2001. L’homme d’affaires égare son permis de conduire. « Ou on lui a volé, c’est plus probable », soupire sa fille, Sandrine. Le 26 septembre, il réclame un duplicata à la préfecture de la Vienne. Jusque-là, aucun problème.
Ses ennuis commencent en réalité le 13 juin… 2008. Alain Grégoire est verbalisé par les gendarmes pour usage du téléphone portable au volant. Et s’aperçoit dans la foulée que le solde de points sur son permis culmine à... zéro.
« Des infractions auraient été commises à Saverne, Bitch et Strasbourg, à partir de 2004 », détaille Sandrine Grégoire. Le « faux » Alain Grégoire habite a priori boulevard d’Anvers, dans la capitale alsacienne. Une première plainte déposée à la gendarmerie de Jaunay- Clan n’y change rien. Le double maléfique du Poitevin continue d’opérer dans l’ombre.
Dix crédits contractés
13 novembre 2010. Deuxième incident d’ampleur. Alain Grégoire souhaite ouvrir un Livret A auprès de la Banque Populaire. Las… Un premier Livret A a été ouvert à son nom le 19 mars 2003, à la Caisse fédérale de Crédit Mutuel, à Strasbourg. « Papa a dû enclencher tout un tas de démarches administratives pour prouver sa bonne foi. C’est devenu très ennuyeux ! » D’autant plus ennuyeux que, deux ans plus tard, Alain Grégoire est confronté à une utilisation frauduleuse de sa carte bancaire sur Internet. En octobre dernier, il fait opposition et en réclame une nouvelle. Ce que sa banque lui refuse au motif qu’il est fiché à la Banque de France ! Il aurait contracté dix crédits sans en rembourser un seul… Ses multiples échanges avec le gendarme financier n’ont pas encore permis de dénouer l’imbroglio. Ultime pied de nez de l’usurpateur ? Le livret de famille d’Alain Grégoire mentionne un mariage en date du 25 mai 2004, avec une certaine Marie- Louise Ndebane Ndiaye, domiciliée à Dakar. « Nous l’avons découvert lorsqu’il a voulu refaire son passeport et sa carte d’identité. Vous imaginez les conséquences que ce statut implique… », fulmine Sandrine Grégoire. En dépit d’une nouvelle plainte déposée en 2010, la situation du retraité
n’a pas bougé d’un pouce. Face à cette inertie -« on ne nous informe de rien, peut-être n’y a-t-il pas eu d’enquête »-, sa fille unique réclame l’appui de la justice. Elle a écrit une lettre au Premier ministre et saisi le procureur de la République de Poitiers. « On m’a dit que le préfet allait nous contacter. En attendant, on se sent complètement abandonnés… » L’usurpation d’identité, un mal sournois et insidieux.
Phénomène d’ampleur internationale, le vol de documents d’identité constitue aussi un marché lucratif pour les faussaires. Sur Internet, des marchands d’un genre particulier proposent ainsi, à des étrangers, plusieurs types de packs, incluant carte d’identité, passeport, fiche de paie, carte vitale ou encore carte bancaire. Le tout réalisé à partir de vraies pièces d’identité. Le pack premium coûte jusqu’à 5 000€.
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