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Le meurtre de Laëtitia, à Pornic, a révélé le manque de moyens humains du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip). A Poitiers, les conseillers ont du mal à veiller au respect des obligations judiciaires des détenus. Cent cinquante dossiers seraient mis de côté.
« L’erreur commise par le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) de Nantes aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre nous. » Les conseillers sont sous pression. Le délégué CGT au Spip de Poitiers, Christian Gaumont, assure que « le risque zéro n’existe pas ». Mais pour ces agents, dont la vocation est de prévenir la récidive des personnes condamnées, la « frustration » est d’autant plus forte qu’ils se sentent démunis. En mai 2009 déjà, une douzaine d’entre eux avaient décidé d’occuper les locaux de la rue Arthur-Ranc, avec l’ambition de dénoncer un manque criant de moyens humains. En guise de réponse, ils avaient été évacués en moins de trois heures par les forces de l’ordre. Leurs partenaires en temps normal.
150 dossiers en suspens
Le drame présenté par les médias nationaux comme « l’affaire Laëtitia », à Pornic, a levé le voile sur les difficultés rencontrées par ces éducateurs. Là-bas, la fiche d’identité de Tony Meilhon figurait parmi les 800 dossiers non-prioritaires laissés de côté par manque de temps. A Poitiers, plusieurs sources confirment qu’environ 150 dossiers resteraient, de la même façon, en instance de traitement. Et si le ministre de la Justice a souhaité récemment que chaque condamné soit suivi par un conseiller attitré, il n’a pas encore accru les effectifs en conséquence.
Juger la dangerosité
Dans la Vienne, huit travailleurs sociaux interviennent à la prison de Vivonne et 10,4 conseillers (équivalent temps plein) veillent, depuis l’extérieur, à l’exécution d’environ 1 360 mesures alternatives à l’emprisonnement, prononcées par le juge d’application des peines. Un agent possède ainsi un « portefeuille » d’une centaine de prévenus, là où des directives européennes en préconisent cinquante. Sans oublier les enquêtes sociales éclair, menées sur les justiciables avant une comparution immédiate.
« C’est la misère, alors nous allons partager la misère », indiquait en janvier un haut responsable des services judiciaires. Reste à savoir « quelle politique de service public on veut dans ce pays », résume Christian Gaumont. Lui, aimerait conserver la dimension humaine de l’entretien avec le prévenu dont il doit « juger la dangerosité ». « Je veux pouvoir rencontrer plusieurs fois les personnes condamnées avant d’évaluer le risque de récidive. Nous avons la liberté des gens entre nos mains », confie l’intéressé. Après des affaires comme celle de Pornic, une épée de Damoclès va peser sur les magistrats et les conseillers pénitentiaires. « Je crains que tout le monde cherche à se couvrir en accentuant le caractère nuisible des prévenus », conclut le syndicaliste. Aux dépens du processus de réinsertion.
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