Aujourd'hui
« Je veux éviter le choc de la retraite »
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : mardi 15 février 2011Mgr Albert Rouet a toujours employé les mots justes. Alors qu’il a pris sa retraite le 13 février, l’archevêque de Poitiers évoque son avenir ainsi qu’un thème actualité : le mariage homosexuel.
Avenir
« Je ne sais absolument pas qui sera mon successeur. La décision ultime revient à Rome. L’intérim sera assuré par Mgr Wintzer. » La situation méritait d’être précisée. Albert Rouet ne compte pas réapparaître publiquement à Poitiers avant plusieurs mois. Il veut rester discret pour laisser le temps à son remplaçant de s’installer. Mgr Rouet va prendre ses quartiers dans un presbytère de Périgueux afin de « bénéficier à la fois d’une vie collective et d’une vie privée ». Sa renommée s’est déjà répandue dans le monde entier. L’archevêque a été invité à animer des cours et des conférences en France, au Québec et même en Indonésie. Son agenda est bouclé jusqu’en 2012 !
Il profitera de sa retraite pour pêcher, voyager et rendre visite à sa famille, qu’il avoue avoir « négligée pendant trop longtemps, faute de temps ». Dans les prochains jours, Albert Rouet partira pour un long séjour à l’étranger afin d’éviter « le choc de la retraite ».
« C’est la différence des sexes qui fonde le mariage chrétien »
Mariage
« Ce mot était religieux, il est devenu civil. On l’a dévalué en l’associant à toutes les unions. Il est devenu le lieu de revendications. Or, le mariage est d’abord une vocation de réunir Dieu et l’Homme dans le Christ. Comme Dieu est différent de l’Homme, c’est donc la différence des sexes qui fonde le mariage chrétien. On ne clarifie rien en utilisant le même mot. On devrait utiliser un autre mot pour les couples homosexuels. Concernant le mariage des prêtres, que dit la Bible ? Tout simplement qu’un prêtre doit être ordonné dans sa condition de naissance. Comme il est rarement marié à la naissance, sa situation ne change pas. Peut-on ordonner prêtre un homme marié ? On entre dans des problèmes pratiques. Il aura une famille avec des enfants. Son salaire ne suffira pas. Je ne pourrai pas l’augmenter, nous avons tous le même salaire. Par ailleurs, s’il travaille pour améliorer son niveau de vie et qu’il passe du temps avec sa famille, c’est sa fonction de prêtre disponible sept jours sur sept qu’il faudra revoir. Tous les enterrements se dérouleraient le dimanche. C’est impossible. »
Succession
« L’évêque donne sa démission et je trouve cette règle sage. Je suis toujours en bonne forme mais j’aborde des eaux pas toujours très calmes, et les ennuis de santé n’arrivent pas qu’aux autres. D’autre part, pour moi, gouverner n’est pas ordonner. Il s’agit plutôt d’orienter. Avec mon équipe, nous avons lancé un certain nombre de choses, le dialogue interreligieux, les contacts avec la société civile… Maintenant, il serait utile d’avoir un second souffle. Or, je ne peux pas être l’homme du second souffle. »
Optimisme
« Mon côté paysan m’oblige à chercher la solution. Il n’y a pas de problème sans issue. Il faut essayer même si la plante ne pousse pas. L’immobilisme, c’est la mort. Je n’ai pas eu d’échec dans mes tentatives, seulement des transformations. Quand le résultat n’est pas au rendez-vous, il faut essayer autrement. Toutefois, j’aurais voulu aider davantage les exploitants agricoles qui ne vivent pas de leur métier alors qu’ils nous nourrissent. De la même façon, je n’ai pas contribué à ce qu’on écoute plus les jeunes. Pourtant, ce sont eux qui vivront dans la société que l’on imagine en ce moment. »
Oecuménisme
« La foi engendre la fraternité. J’ai fait en sorte que les croyants se revendiquant du même Evangile se rencontrent, mais aussi qu’ils mènent des actions communes : les aumôneries de l’hôpital et de la prison en sont des exemples. En décembre, un groupe d’amitié judéo-chrétienne a été créé à Poitiers. Cela permet de nous découvrir mutuellement. Avec les musulmans, nous avons des relations extrêmement suivies depuis longtemps. Le climat de confiance et de paix est unique. C’est possible ! On mange ensemble six fois par an. La semaine dernière, j’ai déjeuné avec l’Imam juste parce qu’il voulait me dire au revoir. C’est formidable. »
Humour
« J’aime bien rire. L’humour me permet d’atténuer certains messages. Rendre supportables des choses graves. Je ne peux pas me permettre de faire des sermons à tout le monde ! Et puis, il traduit une vraie joie de vivre. Je remarque toujours les détails surprenants de la vie. Lorsque nous avons inauguré le nouveau vitrail de la cathédrale, il faisait un froid de gueux. Le père Armel de Sagazan m’avait proposé de préparer un vin chaud. Très bonne idée ! La nef embaumait la cannelle. Mais il avait installé le feu juste au-dessous de la statue de Jeanne-d’Arc. Un comble ! Eh bien, j’adore ce genre d’anecdotes. »
Considération
« Quelle image j’aimerais laisser en partant ? Je ne sais pas. J’ai mené toutes ces actions avec le conseil épiscopal. Nous avons travaillé ensemble. Mon bilan est celui d’une équipe d’amis. »
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