La réinsertion par les abeilles

Une dizaine de détenus du centre pénitentiaire de Vivonne s’initient actuellement à l’apiculture. L’occasion pour certains d’apprendre, en pleine nature, un nouveau métier qui pourrait devenir le leur à la sortie.

Romain Mudrak

Le7.info

La reine s’est évadée. L’événement est plutôt inattendu. L’une des cinq ruches installées à proximité du centre pénitentiaire de Vivonne n’a plus de cheffe pondeuse. « Quand on a retiré la hausse, on s’est rendu compte que la ruche avait essaimé, explique Walid, originaire de Bordeaux. La reine est partie fonder une autre colonie ailleurs. » Le jeune homme fait partie de la dizaine de détenus qui participent à l’atelier d’apiculture créé au sein de la prison. Et il est particulièrement attentif. « J’ai travaillé dans beaucoup de domaines différents, la mécanique, la restauration… Je suis polyvalent, j’aime apprendre de nouvelles choses. » A tel point qu’il prévoit déjà de rendre visite à « Dominique » une fois dehors afin d’observer la phase d’extraction du miel.

Dominique Carrage est un apiculteur professionnel installé à Celle-L’Evescault. C’est lui qui anime les ateliers et qui a mis les ruches à la disposition du centre pénitentiaire. L’idée est venue d’un surveillant, lui-même apiculteur amateur. « Il a pensé à moi ! 
J’ai déjà enseigné au lycée agricole de Venours pendant trois ans. C’est un public différent évidemment, mais les gars s’intéressent et ça peut déclencher des vocations. » 
Omar y pense depuis quelque temps : « J’ai découvert ce métier, ça ouvre des perspectives. On ne nous propose pas de faire ça à l’école. Il faut savoir toucher à tout, pourquoi pas moi ! »

Une seconde chance

Les quatre premières séances, organisées au cours de l’hiver, se sont déroulées en salle. L’occasion de découvrir le fonctionnement d’une ruche, le rôle des abeilles dans la nature, notamment en termes de pollinisation… De la théorie à la pratique, cinq autres séances s’enchaînent en ce moment à l’extérieur, juste de l’autre côté du mur. Tous bénéficient d’une permission de sortir validée par le juge d’application des peines. Ils sont déjà capables d’allumer un enfumoir, de reconnaître les larves, le pollen, les couvains… Equipés d’une vareuse, ils manipulent calmement les cadres en bois sur lesquels grouillent des centaines d’abeilles. Elles sont entre 20 000 et 50 000 dans chaque ruche. Cédric se sent à l’aise : « C’est bien de savoir comment est fabriqué le miel qu’on mange, pourquoi il a différent goûts… On est dans la nature et ça occupe. Je me dis que j’aimerais bien en avoir une chez moi quand je sortirai. »
 Le moment venu, Dominique récoltera le miel et l’ajoutera à la production de ses 300 colonies. « Je donnerai quelques pots aux détenus pour qu’ils voient le produit final », précise l’ancien imprimeur reconverti après la cinquantaine. Même la cinquième ruche abandonnée par sa reine finira par renaître. Dominique a observé des 
« cellules royales » au fond du rucher. Une nouvelle colonie va se constituer. Une sorte de seconde chance.

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