Urbanisme - Les habitants ont leurs maux à dire

Face à la multiplication de projets immobiliers qui menacent leur cadre de vie, les habitants sont de plus en plus nombreux à se mobiliser, à Poitiers et ailleurs.

« Vous en reprendrez bien un p’tit morceau ? » Sur la couverture du dernier bulletin du comité de quartier Autour du Pont-Neuf, à Poitiers, une maison de la fin XIXe offre au regard sa façade à moitié effondrée pour faire place à une soixantaine de logements neufs. Un peu plus loin, chemin du Lavoir, une quarantaine de riverains se sont cotisés pour acquérir une maison au prix de 243 000€ afin de décourager un promoteur. Les projets d’habitats collectifs se multiplient à Poitiers et autour. Cette densification urbaine ne laisse pas d’inquiéter les riverains qui se mobilisent de manière plus ou moins formelle, autour du Pont-Neuf, avenue de la Libération, à la Gibauderie, du côté des Dunes à Poitiers, ou encore à Pouzioux-la-Jarrie. « Très souvent, les gens ne se connaissaient pas avant », remarque Dominique Leblanc. Actuel président du comité de quartier du Pont-Neuf, il s’apprête à créer l’Association de défense de l’environnement, du patrimoine et de l’habitat (Adepah86), 
« pour informer les citoyens sur les règles d’urbanisme, accompagner les mobilisations localement, faire des propositions de projets alternatifs »(*).

Poitiers plébiscité

Au 34, avenue de la Libération, à Poitiers, le long tunnel de garages traversant jusqu’à la rue de la Chanterie a déjà inspiré plusieurs projets. Le dernier, porté par des promoteurs bordelais, prévoit jusqu’à soixante logements. Une pétition est en cours. « Nous ne sommes pas contre un projet immobilier, mais pas n’importe comment », souligne Evelyne Lande. Quand elle a emménagé en janvier, elle n’imaginait pas qu’un mur de 14 mètres pousserait le long de son jardin. Au-delà, les riverains redoutent la dégradation du cadre de vie, des problèmes de stationnement générateurs d’incivilités et de tensions, une dévalorisation des biens…

« Poitiers est présentée dans tous les classements comme la ville où il faut investir, ce qui nous pose des difficultés, confie Lisa Belluco, adjointe à l’Urbanisme. Le Programme local de l’habitat 2019-2024 prévoyait entre 1 900 et 2 300 logements sur six ans, mais la projection n’avait pas anticipé l’évolution du marché et nous avons déjà atteint ce nombre. J’écoute les doléances, elles alimentent les réflexions sur le futur plan local d’urbanisme intercommunal ». Qui sera voté en… 2025. Jusque-là, sur des terrains privés, la collectivité reste démunie.

Haro sur le stade 
de Pouzioux

Une mobilisation spontanée, le hameau de Pouzioux-la-Jarrie en connaît une également depuis quelques semaines. En cause, un projet immobilier de 45 appartements porté par la mairie sur le stade de football. 
« C’est le poumon vert du village, les enfants y jouent au ballon, les enseignants de l’école y amènent leurs élèves », insiste Vincent Defaix, porte-parole des contestataires qui ont symboliquement rebaptisé le lieu 
« parc des Arches ». Une centaine de personnes ont exprimé leur mécontentement dans les rues du bourg le 6 mars et le groupe Facebook « Préserver Pouzioux » compte environ 
230 abonnés. « Ça témoigne d’une méconnaissance de la mairie sur la façon de vivre à Pouzioux, on touche à la mémoire des lieux », poursuit Pascale Daillier, qui a créé la pharmacie du centre en 1989. Une réunion publique est programmée à la maison des Arches, le 31 mars à 19h. Selon la mairie, ce rendez-vous marquera le début de la concertation. Les riverains restent vigilants.

(*)Assemblée constitutive de l’Adepah 86, le 11 avril, à 19h30, au Confort moderne, à Poitiers. Contact : adepah86@laposte.net.

Claire Brugier - Romain Mudrak