CBD : coup de froid sur la filière

Alors que le marché du cannabidiol a explosé en 2021, la vente des fleurs et feuilles brutes a été interdite par arrêté le 31 décembre dernier. Une décision qui inquiète les boutiques spécialisées et les producteurs de chanvre dans la Vienne.

Steve Henot

Le7.info

« Fermeture définitive » peut-on lire, sur la vitrine du 
26, rue Edouard-Grimaux à Poitiers. Dream Flower est le premier CBD shop à avoir mis la clé sous la porte en ce début d’année 2022, tandis que d’autres boutiques sur le même créneau craignent de devoir lui emboîter le pas. En cause, un arrêté du 31 décembre qui interdit « la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes (de cannabidiol) sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation ». 


Un sérieux coup de frein pour les commerces de CBD, dont ces deux produits représentent entre 50 et 70% des ventes. 
« Ça se sent déjà sur notre taux de fréquentation qui a été divisé par trois », estime-t-on à la boutique High Society. Un peu plus loin, MyChanvre a anticipé une perte de 40% de son chiffre d’affaires sur le mois. « Une semaine après l’arrêté, on est à -25%, confie Louis Quilichini, cofondateur de MyChanvre. Heureusement, nous ne faisons pas que de la fleur et nos clients se sont tournés vers d’autres produits. » Désormais, seules les formes dérivées (résines, huiles et vaporisations) restent autorisées à la vente.


« On fait marcher l’économie »

« C’est aberrant parce qu’on fait marcher l’économie, on paye des loyers, crée des emplois… », 
fulmine François Salort, gérant d’O CBD Shop (trois boutiques dont une à Poitiers). En moins d’un an, le nombre de « CBD shops » a effectivement fleuri, en France, de 400 à… 1 800 ! Nombreux sont aussi les agriculteurs à s’être lancés dans la culture du chanvre, en vue de proposer un produit français et tracé. Ils seraient près de 70 dans l’ex-Poitou-Charentes, une dizaine dans la Vienne. 
« Une opportunité qu’on sentait venir. Tout le monde croyait que le marché allait se libérer », 
concède Christian Réau, qui a semé une parcelle avec des collègues du mirebalais en 2021. Désormais, l’agriculteur se retrouve avec une première récolte dont il ne sait que faire. « On peut éventuellement l’exporter en biomasse mais cela ne couvrirait qu’un cinquième de nos charges. » D’autant que cette culture revêt un investissement onéreux : environ 
20 000€ pour un hectare.


Par peur des contrôles, les commerces se sont donc empressés de retirer de leurs rayons leurs stocks indésirables. « Ca ne va pas stopper l’industrie car on trouvera toujours des fleurs en vente sur internet », 
selon François Salort, qui rappelle que les fleurs issues de la plante Sativa-L ne sont pas considérées comme des produits stupéfiants par la législation européenne. Certains revendeurs l’assurent : légaliser le marché permettrait d’enrayer le trafic illégal de cannabis et la consommation addictive d’opiacés. « Certains de nos clients prenaient du tramadol ou de la morphine pour soulager leurs douleurs avant de découvrir le CBD, qui leur suffit aujourd’hui. » La profession a réclamé la suspension de l’arrêté. Les sages du Conseil constitutionnel n’y ont pas donné suite. Le Conseil d’Etat, qui examinait le recours vendredi, se donne de son côté quelques jours pour arbitrer ce bras de fer qui oppose la filière CBD et le gouvernement.

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