Ancienne journaliste à Poitiers, Brigitte Brault a vécu en Afghanistan de 2001 à 2007, réalisant un documentaire intitulé Regards d’Afghanes. Elle se désespère du retour au pouvoir des Talibans, vingt ans après. « Tout ça pour ça... »
Son dernier voyage sur place remonte à 2018. Des amis lui avaient « parlé de la corruption qui régnait ». Brigitte Brault a l’Afghanistan au cœur, et pas seulement parce qu’elle est tombée éperdument amoureuse d’un chef de guerre pashtoune, Shazada Mohmand Khan, au début des années 2000(*). La journaliste, passée par Centre Presse au milieu des années 90 et en poste en Martinique pour France Télévisions, a suivi « l’effondrement du pays à la télé ». Choquée mais pas surprise. « J’ai vu les Talibans avancer province par province. Leur arrivée à Kaboul le 15 août n’est que la suite logique. »
Comme en 2001, la Vallée du Panshir reste la seule poche de résistance. Et comme il y a vingt ans, c’est un Massoud qui organise la résistance : Ahmad, le fils du commandant assassiné le 8 septembre 2001. Brigitte Brault a été l’une des dernières journalistes occidentales à interviewer celui qu’on appelait le « lion du Panshir ».
Dans sa tête, les souvenirs se bousculent, l’impression d’un retour en arrière aussi. Elle reçoit en ce moment des messages de femmes afghanes qu’elle a formées au maniement de la caméra. Elles lui demandent de l’aide pour un frère, une sœur... à évacuer. « Je me sens impuissante, je ne peux rien faire malheureusement. Et je crains que les portes du pays ne se referment très vite, avec une chasse aux sorcières. Les jeunes filles n’auront sans doute plus le droit d’aller à l’école après 12 ans... »
Regards d’Afghanes, comme un témoignage
Depuis la Martinique, où elle est aux portes d’une autre crise, sanitaire celle-là, la journaliste veut aussi retenir « toutes les avancées : la formation des journalistes, photographes, juristes... On ne peut pas les renier, même si on se dirige vers un retour en arrière avec des Talibans toujours plus armés ». La fuite du président Ashraf Ghani et de son épouse libanaise Rula Ghani ? « Ça m’a choquée car il avait dit qu’il resterait jusqu’au bout pour se battre. Rula, je l’ai connue il y a vingt ans, on a tourné un documentaire sur les enfants des rues ensemble. » Brigitte Brault pèse ses mots car elle sait que l’information en mondiovision peut avoir des répercussions jusque dans la province la plus reculée du pays. C’est l’une des raisons pour lesquelles elle limite les échanges avec celles et ceux qu’elle a connus. « Pour ne pas les mettre en danger. »
Reste Regards d’Afghanes, comme un témoignage d’une époque révolue. Lors de sa sortie, en 2003, le documentaire avait été diffusé aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et dans de nombreux festivals. Le rediffuser ? « J’y ai pensé, mais ce serait faire courir trop de risques à ceux qui témoignent. »
(*)Elle en avait tiré un livre intitulé Pour l’amour d’un guerrier. Paru en 2007 aux éditions Grasset.
DR Brigitte Brault